samedi 18 février 2012

Influence du « fatras » sur la biomasse foliaire de l’alfa (Stipa tenacissima L.) de la steppe du Sud oranais (Algérie occidentale)

Auteur(s) : Benchaben Hellal, Nadira Ayad, M’hamed Maatoug, Mustapha Boularas ,
Laboratoire de recherche en écodéveloppement des espaces, Département des sciences de l’environnement, Faculté des sciences, Université Dj. Liabes, Bd Ben Mhidi, BP 89, 22000 Sidi Bel Abbès, Algérie, Faculté des sciences, Université de Tiaret, 14000 Tiaret, Algérie.

Résumé : Faute d’exploitation et en raison de la sécheresse des deux dernières décennies les nappes alfatières produisent de moins en moins de biomasse verte d’alfa. Ces deux facteurs sont à l’origine de la formation du fatras, entraînant ainsi la dégénérescence des touffes par le phénomène de circination. L’analyse comparative des taux de croissance et de dessèchement des feuilles d’alfa a été menée avec comme objectif d’étudier la formation du fatras en l’absence d’exploitation. Des mesures réalisées sur des touffes à l’état « naturel » et des touffes débarrassées de leur fatras rendent compte de la situation alarmante de la nappe alfatière. Cette situation traduit surtout la diminution progressive de la biomasse foliaire de l’alfa et la manifestation précoce du phénomène de circination. La relation étroite entre le fatras en augmentation progressive et la biomasse foliaire de l’alfa en diminution exprime en effet un déséquilibre certain de la nappe alfatière étudiée.

Mots-clés : alfa, biomasse, physiologie, phytologie, ressource végétale, steppe algérienne

Illustrations


ARTICLE
Auteur(s) : Benchaben Hellal1, Nadira Ayad1, M’hamed Maatoug2, Mustapha Boularas1
1Laboratoire de recherche en écodéveloppement des espaces, Département des sciences de l’environnement, Faculté des sciences, Université Dj. Liabes, Bd Ben Mhidi, BP 89, 22000 Sidi Bel Abbès, Algérie
2Faculté des sciences, Université de Tiaret, 14000 Tiaret, Algérie
Les steppes algériennes connaissent de sérieuses modifications. La mer d’alfa décrite par de nombreux explorateurs aux XIXe et XXe siècles, ne figure plus que dans les archives [1-4]. Divers facteurs, en particulier l’anthropisation, la lenteur du rouissage et les aléas climatiques, sont responsables de la situation actuelle des nappes alfatières [5]. La dégradation généralisée s’est accompagnée des phénomènes habituels de désertification [6]. Des champs de dunes se sont établis sur de vastes étendues où le taux de recouvrement de la végétation n’excède pas 5 %. La forte régression observée depuis 20 ans s’explique par la pression démographique en forte progression (de l’ordre de 2,5 %/an) et une période de sécheresse exceptionnelle de 1970 à 1985 [7].La présente étude accorde une grande importance aux phénomènes de croissance et de dessèchement des feuilles d’alfa en liaison avec le fatras. Le fatras – ou masse des feuilles qui quoique mortes restent longtemps encore suspendues aux touffes – est un handicap pour toute régénération végétative et feuillaison (figure 1). Le suivi de la croissance et du dessèchement en présence ou en absence de fatras sur les touffes, permet d’évaluer les périodes optimales de cueillette des feuilles vertes d’alfa. La comparaison des taux de dessèchement entre les touffes nettoyées et les touffes non nettoyées, en absence de cueillette, renseigne sur la vitesse de formation du fatras et sur son impact sur la nappe alfatière. L’analyse de la relation entre le fatras et la biomasse foliaire verte produite détermine en effet le seuil de tolérance entre ces paramètres vis-à-vis du cycle biologique de la touffe d’alfa.
Matériel et méthode
Présentation du site d’étude
Le site d’étude, connu sous le nom d’En-Nouala, est une nappe alfatière de la partie nord des hautes plaines steppiques du Sud oranais de l’Algérie occidentale (figure 2). Il est localisé aux environs de l’intersection du parallèle 34°56′ de latitude N et le méridien 0°55′ de longitude O. L’altitude moyenne est de 1 120 m et la pente du terrain varie de 1 à 3 %. Il est situé à environ 14 km de Ras Elma (figure 3). La nature lithologique est de type gréseux à gréseux calcaire, datant du Pliocène, surmontée d’un sol calcique caractérisé par un horizon supérieur bien différencié peu épais reposant sur un horizon d’accumulation de calcaire sous forme diffuse ou en concrétion [8-10].
La végétation est essentiellement une formation naturelle herbacée à base d’alfa (Stipa tenacissima L.), de reliques de chêne-vert (Quercus ilex L.) et de genévrier oxycèdre (Juniperus oxycedrus L.) dont la hauteur n’excède pas 5 m. La densité de l’alfa se situe entre 7 100 et 8 600 touffes par hectare, avec une hauteur moyenne de 54,4 cm et un taux de recouvrement de 27 à 34 % [11]. La strate herbacée est, entre autres, représentée par quelques touffes de sparte (Lygeum spartum L.) et un ensemble d’espèces végétales vivaces et d’autres éphémères [12].
Les conditions climatiques régionales se caractérisent par une amplitude thermique annuelle de 35,5 °C (- 0,5 °C à 35 °C) et une pluviosité annuelle moyenne variant de 200 mm à 301 mm. L’humidité relative ne dépasse guerre 28 %, la gelée blanche dure 77 jours tandis que le vent chaud (sirocco) persiste en moyenne 21 jours par an [13-15].
Durant la période d’étude, la pluviosité moyenne annuelle enregistrée du site d’étude est de 226 mm ; les températures minimales et maximales sont respectivement de l’ordre de 0 °C et 35 °C [15].
Protocoles expérimentaux
L’étude est basée sur la croissance, le dessèchement et la biomasse foliaire de l’alfa. Pour cela, deux parcelles de 150 m2 (5m x 30m) chacune et deux transects de 50 m2 (1m x 50m) ont été délimités à l’intérieur de la nappe alfatière d’En-Nouala.
Croissance et dessèchement des feuilles d’alfa
La mesure de la croissance et du dessèchement des feuilles d’alfa a été réalisée, au départ, sur 20 touffes prises au hasard dans la nappe alfatière d’En-Nouala. Dix d’entre elles ont été soigneusement nettoyées de leurs feuilles sèches formant le « fatras ». Dans chaque touffe d’alfa, 10 jeunes feuilles et 10 autres adultes ont été repérées par des jetons. Face à la fréquentation quotidienne du site d’étude par les troupeaux, seulement deux touffes nettoyées et trois touffes non nettoyées de leurs fatras ont pu être épargnées, ce qui a permis de mesurer les paramètres de croissance et de dessèchement sur une période de 13 mois. Les mesures ont été effectuées, avec une précision de 1 mm, sur la longueur des jeunes feuilles et la partie verte des feuilles adultes.
Biomasse foliaire de l’alfa
L’étude de l’effet du fatras sur la biomasse foliaire verte de l’alfa est effectuée dans deux parcelles différentes de la nappe alfatière d’En-Nouala. Les deux parcelles diffèrent par la pente (1 % et 3 %). À l’intérieur de chaque parcelle, 30 touffes d’alfa non circinées (non fragmentées) ont été repérées afin d’en déterminer le poids de fatras et la biomasse foliaire verte. La mesure de la variation temporelle de la biomasse foliaire verte en fonction du fatras est ensuite suivie dans deux transects (témoin, expérimental) de 50 placettes contiguës de 1 m2. Le premier transect a servi de témoin (récolte simultanée des feuilles vertes et du fatras) dans la même nappe alfatière (figure 4).
La quantification, par mètre carré, du fatras du transect expérimental s’est déroulée en période de repos végétatif de l’alfa. La récolte du feuillage vert du même transect a été effectuée deux ans plus tard. Les feuilles vertes encore fraîches ont été placées dans l’étuve à 80 °C pour séchage jusqu’à poids constant.
Le contrôle des longueurs initiales et l’effet du nettoiement des touffes sur la croissance et le dessèchement des feuilles d’alfa ont été effectués par une analyse de la variance à un seul facteur (test de Fisher-Snedecor). Les données relatives à la biomasse foliaire verte de l’alfa et du poids du fatras ont été comparées par le test du coefficient de corrélation.
Résultats
Contrôle du choix aléatoire des touffes
Avant d’étudier la croissance des feuilles d’alfa, il faut s’assurer que l’échantillonnage des feuilles et des touffes a été effectué au hasard. Pour cela un contrôle a été réalisé par une analyse de la variance à un seul facteur sur les données du tableau 1.
La comparaison du Fobs (valeur observée de la variable de Fisher-Snedecor) au Fth (valeur théorique de la variable de Fisher-Snedecor) ne montre aucune différence significative entre les longueurs initiales moyennes des feuilles des cinq touffes échantillonnées :Le choix aléatoire des touffes est également vérifié sur les données du tableau 2 dont les valeurs sont les longueurs initiales de la partie verte des feuilles d’alfa en dessèchement.
La comparaison de la variable F de Fisher-Snedecor calculée avec celle relevée des tables n’indique aucune différence entre les touffes :
Tableau I Longueurs initiales, en centimètres, des jeunes feuilles de cinq touffes d’alfa.
N° des feuilles Touffe 1 Touffe 2 Touffe 3 Touffe 4 Touffe 5
1 01,80 01,60 05,00 02,50 04,50
2 10,00 03,10 07,00 02,00 06,60
3 09,00 05,70 09,30 20,00 17,50
4 09,50 07,00 03,00 12,00 01,40
5 17,50 03,50 09,50 14,00 06,70
6 13,50 06,00 11,30 06,20 04,00
7 10,40 05,90 03,00 03,50 04,50
8 08,50 04,00 05,20 05,50 02,20
9 06,50 03,50 05,80 07,30 03,10
10 04,00 03,00 10,00 03,40 05,30
Moyenne 09,07 04,33 05,91 07,64 05,58

Tableau II Longueurs initiales, en centimètres, de la partie verte des feuilles mûres de cinq touffes d’alfa.
N° des feuilles Touffe 1 Touffe 2 Touffe 3 Touffe 4 Touffe 5
1 13,50 35,00 34,60 30,20 42,10
2 20,00 44,50 37,00 19,00 22,00
3 28,20 22,00 29,00 24,50 24,60
4 28,00 34,50 31,00 28,00 35,80
5 17,30 21,20 26,30 22,50 36,60
6 28,10 26,50 34,00 21,00 25,70
7 39,50 10,20 32,50 19,00 29,60
8 33,50 9,10 33,00 23,70 36,10
9 40,50 10,50 27,00 21,80 21,00
10 29,30 19,50 12,50 19,70 36,10
Moyenne 27,79 23,30 29,69 22,94 30,96
Croissance des feuilles d’alfa
L’accroissement absolu de la longueur des feuilles d’alfa est étudié à deux périodes. La première période rassemble les mesures effectuées durant le printemps, l’été et la mi-saison d’automne. La seconde période est relative aux mesures faites de la mi-automne au printemps suivant. Ce découpage permet d’analyser l’accroissement absolu durant les deux phases biologiques de l’alfa (phase active, phase de repos végétatif).
La comparaison de l’accroissement absolu de la première phase, entre les jeunes feuilles de touffes d’alfa nettoyées et non nettoyées, est effectuée par une analyse de la variance à un seul facteur sur les données du tableau 3.
Le test statistique n’a détecté aucune différence significative entre les cinq touffes :
Le même résultat est obtenu pour la seconde phase malgré la forte moyenne de la touffe nettoyée n° 5 comme indiqué dans le tableau 4 :
La présence ou l’absence du fatras semble n’avoir aucun effet significatif sur la croissance des feuilles d’alfa durant les deux phases biologiques de l’alfa. L’accroissement des jeunes feuilles d’alfa, pour une durée de 13 mois, se situe entre 20 et 25 cm pour les touffes non nettoyées et de 19,5 cm à 24,5 cm pour les touffes nettoyées. L’absence de fatras dans les touffes n° 4 et n° 5 ne permet cependant pas à ces touffes de présenter une croissance en longueur de feuille significativement supérieure à celle des autres touffes.
Tableau III Accroissement absolu, en centimètres, de la longueur des jeunes feuilles d’alfa pour une période de 6 mois (mars à octobre).
Touffes nettoyées Touffes non nettoyées
N° des feuilles 1 2 3 4 5
1 14,20 05,40 16,50 08,50 13,50
2 18,50 11,90 17,00 17,00 15,90
3 12,00 15,80 20,20 13,50 17,00
4 26,50 06,00 19,50 14,00 11,60
5 22,70 05,00 18,50 16,50 20,30
6 11,50 05,50 19,70 08,80 10,30
7 17,60 08,10 17,50 10,50 09,50
8 09,00 19,50 06,30 02,50 09,80
9 11,50 20,20 19,20 04,70 10,90
10 13,00 20,50 17,00 10,60 18,70
Moyenne 15,65 11,79 17,14 10,66 13,75

Tableau IV Accroissement absolu, en centimètres, de la longueur des jeunes feuilles d’alfa pour une période de 7 mois (octobre à avril).
Touffes nettoyées Touffes non nettoyées
N° des feuilles 1 2 3 4 5
1 02,50 18,50 12,50 10,50 14,00
2 12,50 16,00 09,00 10,00 10,50
3 03,50 15,20 12,50 09,30 12,50
4 10,00 15,50 13,00 09,00 18,50
5 10,00 20,50 08,00 08,50 10,50
6 11,00 06,00 07,50 15,00 13,20
7 18,00 05,00 09,50 18,00 11,50
8 09,50 05,50 15,50 12,00 14,00
9 21,00 03,30 11,00 12,00 13,50
10 19,00 06,50 00,50 10,20 16,00
Moyenne 11,70 11,20 09,90 11,45 13,42
Dessèchement des feuilles d’alfa
Les longueurs du dessèchement temporel (13 mois) de la partie verte des feuilles mûres d’alfa sont reportées dans le tableau 5.
Le traitement de ces données par une analyse de la variance à un seul facteur a montré une différence hautement significative entre les touffes nettoyées et les touffes non nettoyées :
Le dessèchement de la partie verte des feuilles mûres d’alfa est plus important dans les touffes nettoyées que dans les touffes non nettoyées. La longueur du dessèchement, pour une durée de 13 mois, est de 10 à 20,3 cm pour les touffes non nettoyées et de 16 à 18 cm pour les touffes nettoyées (sans fatras).
Tableau V Longueurs de dessèchement, en centimètres, de la partie verte des feuilles mûres de cinq touffes d’alfa pendant 13 mois.
Touffes nettoyées Touffes non nettoyées
N° des feuilles 1 2 3 4 5
1 09,90 18,00 23,60 17,70 21,60
2 13,80 13,00 23,50 16,00 13,00
3 08,70 11,00 23,00 23,50 14,20
4 11,50 12,50 13,00 21,00 15,30
5 13,40 12,30 20,60 18,50 16,30
6 11,40 05,50 18,50 15,50 15,90
7 14,00 07,00 21,50 12,60 14,90
8 16,50 06,10 26,00 21,70 15,60
9 15,50 07,80 22,00 19,80 13,00
10 14,00 08,50 11,00 13,10 16,10
Moyenne 12,87 10,17 20,27 17,94 15,59
Biomasse foliaire de l’alfa
L’analyse des relations entre le poids du fatras et la biomasse foliaire verte de l’alfa est effectuée par le calcul du coefficient de corrélation. À la parcelle n° 1, on constate une forte corrélation entre les variables mesurées. Le poids du fatras est bien corrélé à la biomasse foliaire verte de l’alfa (r = 0,84). Ce résultat fait défaut dans la parcelle n° 2 (r = 0,05), ce qui indique l’existence d’une répartition hétérogène du fatras et de la biomasse foliaire verte à travers la nappe alfatière, répondant ainsi aux effets topographiques de la station d’étude (figure 5).
L’effet du fatras sur la biomasse foliaire de l’alfa est analysé, à partir des données recueillies sur deux transects (témoin, expérimental), par la détermination du coefficient de corrélation. Dans le transect témoin, les deux paramètres se trouvent bien corrélés entre eux (r = 0,65), alors que dans le transect expérimental la liaison est peu significative (r = 0,31). La différence observée entre les deux transects est, entre autres, causée par l’enlèvement du fatras sur les touffes du transect expérimental (figure 6). On retrouve, à l’échelle des transects, les relations entre le fatras et la biomasse foliaire verte, comme cela avait été montré pour les deux parcelles. Cependant, dans le cas des parcelles, l’effet topographique s’est montré déterminant alors qu’au niveau des transects, le nettoiement semble écarter toute relation.
Discussion
Les feuilles d’alfa naissent successivement dans le temps (période végétative active) et, à un moment donné, on trouve dans chaque touffe des feuilles de longueur et d’âge variables [16]. Dans une touffe normalement récoltée, chaque axe ne porte en moyenne que trois feuilles en croissance ou en mûrissement [17]. Le taux d’accroissement est d’autant plus faible que les feuilles se rapprochent de leur état de maturité. La présence du fatras sur les touffes n’a aucun effet sur la croissance des feuilles d’alfa. Entre autres, la croissance est plus rapide au printemps et en automne, car les feuilles profitent des radiations solaires intenses et d’humidité suffisante pour activer l’élaboration de la sève et montrer par conséquent un meilleur allongement [18, 19]. La température moyenne nécessaire à la photosynthèse se situe entre 16 et 25 °C [2]. La croissance se trouve faible ou presque nulle pendant la saison d’hiver, dès que la température descend en dessous de 3 à 5 °C [20]. Selon Lacoste [20], « il semble qu’une température moyenne supérieure à + 25 °C et pendant au moins trois à quatre mois suffise à réduire la période végétale de l’alfa ». Cette température coïncide le plus souvent avec l’époque marquant le début du déficit hydrique, ce qui freine rapidement le processus d’assimilation [21]. En effet durant cette période de repos estival, les cellules sont en plasmolyse maximale et les fibres cellulosiques se rétrécissent par durcissement du sclérenchyme [2]. Les fortes hauteurs des touffes ne constituent pas un critère de bonne vigueur et par suite de bonne productivité [17]. Elles sont dues essentiellement à la présence du « fatras » qui défavorise la ramification axillaire au détriment de la multiplication caulinaire [5].
Contrairement à la croissance, le taux de dessèchement diffère entre les touffes nettoyées et les touffes non nettoyées. Un fort taux de dessèchement a été mis en évidence au niveau des touffes soigneusement nettoyées de leur fatras. Le fatras protège donc les feuilles d’un dessèchement rapide. En effet, la présence du fatras, en forme de calotte compacte, préserve l’humidité du sol au centre de la touffe pendant que le sol nu en perd suffisamment sous l’effet de la chaleur [17]. La formation continuelle du fatras, face à la lenteur du phénomène de rouissage (dégradation des feuilles d’alfa), par suite de la siccité de l’atmosphère, constituerait une forme de « résistance » des touffes d’alfa à la sécheresse ; or le dépérissement continuel de la souche génératrice « rhizome » ne cesse de les morceler par circination (figure 7) [5]. La prise en compte à la fois des taux de croissance et de dessèchement pour les touffes « nettoyées » et les touffes « non nettoyées » permet de préconiser la suppression du fatras, d’autant plus que l’alfa est réputée pour sa grande résistance à la sécheresse [22-24].
La biomasse foliaire verte de l’alfa est sans doute soumise à l’action du fatras. Les touffes renferment une quantité appréciable de feuilles mortes d’alfa [5, 25]. La formation du fatras dépend essentiellement du temps de maturation de la feuille qui dure en moyenne de 6 mois à 2 ans selon les étages bioclimatiques et la topographie du milieu où végète l’alfa [18, 19, 25]. La quantité de fatras se situe entre 75 et 80 % de la biomasse foliaire de l’alfa sur glacis presque plat et atteint 66 % dans des zones particulières à fortes pentes occasionnellement lessivées par les eaux de rares pluies torrentielles qu’a connue la région. La biomasse foliaire verte n’excède généralement pas 34 % du total du feuillage de la touffe. Ces pourcentages, bien que la répartition soit hétérogène, ne peuvent qu’exprimer la perturbation de la régénération végétative de l’alfa de la nappe étudiée. Cette situation démontre l’impact du fatras sur la biomasse foliaire verte de l’alfa et par conséquent sur la vie de la touffe.
Conclusion
L’alfa (Stipa tenacissima L.), espèce steppique vivace reconnue pour sa grande résistance à la sécheresse, régresse dans son milieu « naturel ». Sa rusticité semble ne plus lui apporter d’avantage face à une sécheresse persistante et un rouissage naturel très long en absence d’exploitation rythmée. L’étude de la croissance et du dessèchement des feuilles a permis d’observer des différences de comportement vis-à-vis du fatras. La croissance des feuilles paraît être indifférente à la présence ou non du fatras alors que le dessèchement est accentué dans les touffes soigneusement nettoyées. Cependant, le phénomène de croissance l’a emporté sur le dessèchement.
L’interaction mesurée entre la biomasse foliaire et le poids du fatras montre qu’ils sont en étroite relation. Non seulement le fatras atténue le dessèchement des feuilles mais il réduit aussi la production foliaire (biomasse). L’absence de cueillette fait augmenter le poids du fatras et par conséquent diminue la biomasse foliaire verte de l’alfa. La biomasse foliaire verte ne dépasse généralement pas 34 % de la biomasse totale ; tandis que la quantité de fatras se situe entre 66 et 80 % du total du feuillage de la touffe. Ces pourcentages expriment en effet le dysfonctionnement de la régénération végétative de l’alfa entravée par la formation continuelle du fatras en l’absence d’exploitation et compte tenu de l’irrégularité des conditions climatiques souvent évoquée par les climatologues.
Références
1 Cosson E. Rapport sur un voyage botanique en Algérie, d’Oran au Chott-El-Chergui. Ann Sci Nat, 3° série 1853 ; XIX : 1-60.
2 Trabut L. Étude sur l’halfa. Alger : Jourdan, 1889.
3 Mathieu A, Trabut L. Hauts plateaux oranais. Rapport de mission. Oran : ministère de l’Agriculture, 1891.
4 Maire R. Carte phytogéographique de l’Algérie et de la Tunisie. Alger : Baconnier, 1926.
5 Laumont P, Berbigier A. L’alfa et l’expérimentation alfatière en Algérie. Extr Bull Soc Agriculteurs d’Algérie 1953(551) : 1-20.
6 Le Houerou HN. La désertisation du sahara septentrional et des steppes limitrophes. Ann Géogr (Alger) 1968 ; 6 : 2-27.
7 Le Houerou HN. La régénération des steppes algériennes. Rapport de mission, de consultation et d’évaluation. Alger : ministère de l’Agriculture, 1985.
8 Kieken M. Esquisse tectonique de l’Algérie (Algérie du Nord). Publications du Service de la carte géologique de l’Algérie (nouvelle série), bulletin N°31. Alger : Service de la carte géologique de l’Algérie, 1962.
9 Pouget M. Les relations sol-végétation dans les steppes sud-algéroises. Travaux et documents, 116. Paris : Orstom éditions, 1980.
10 Alcaraz Cl. La végétation de l’Ouest algérien. Thèse de doctorat d’État, université de Perpignan, 1982.
11 Bensid T, Debouzie D. Ségrégation spatiale dans l’implantation de l’alfa, Stipa tenacissima L. et de l’armoise, Artemisia herba alba Asso. dans les hautes plaines steppiques d’Algérie. Ecologia méditerranea 1996 ; XXII : 9-17.
12 Hellal B, Benseddik B, Ayad N, Benhassaini H. La régénération dans la steppe du Sud oranais en Algérie occidentale. Sécheresse 2004 ; 15 : 173-9.
13 Seltzer P. Le climat de l’Algérie. Alger : Carbonel, 1946.
14 Le Houerou HN, Claudin J, Pouget M. Étude bioclimatique des steppes algériennes (avec une carte bioclimatique à 1/1 000 000°). Bull Soc Hist Nat Afr Nord 1979 ; 68 : 33-74.
15 Office national de météorologie (OMM). Données climatiques de 1970 à 2000. Oran : OMM, 2000.
16 Harche M. Contribution à l’étude de l’alfa (Stipa tenacissima L.) d’Algérie : germination, croissance des feuilles et différenciation des fibres. Thèse 3e cycle, université des sciences et technique de Lille, 1978.
17 Bourahla A, Guittonneau GG. Nouvelles possibilités de régénération des nappes alfatières en liaison avec la lutte contre la désertification. Bull Inst Ecol Appl Orléans 1978 ; 1 : 19-40.
18 Boudy P. Économie forestière nord-africaine. Monographie de l’alfa et traitement de l’alfa, Fasc 2, Livre III. Paris : Larose, 1950.
19 Ghrab S. Étude de la variabilité écophénologique de l’alfa en Tunisie centrale. Thèse de docteur-ingénieur, université d’Aix-Marseille, 1981.
20 Lacoste L. Répartition et conditions climatiques des nappes alfatières. Bull Soc Hist Nat Toulouse 1955(3-4) : 362-8.
21 Celles JC. Contribution à l’étude de la végétation des confins saharo-constantinois (Algérie). Thèse de doctorat d’État, université de Nice, 1975.
22 Killian C. Plantes fourragères types des hautes-plaines algérienne : leur rôle particulier en période sèche. Ann Amélior Plant Paris 1954(4) : 505-27.
23 Lemée G. Sur l’éfficacité de l’enroulement des feuilles de graminées contre la transpiration. CR Acad Sci Paris 1952(230) : 1201-3.
24 Lemée G. L’économie de l’eau chez quelques graminées vivaces du Sahara septentrional. Vegetatio 1954(5-6) : 534-41.
25 Marion J. Remarques sur le classement et la mise en valeur des nappes alfatières. Ann Rech Forest (Maroc) 1956 ; 4(fasc 1) : 107-27.

1 commentaires:

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