samedi 18 février 2012

La régénération dans la steppe du Sud oranais en Algérie occidentale

Auteur(s) : Benchaben Hellal, Benchohra Benseddik, Nadira Ayad, Hachemi Benhassaini ,
Laboratoire de recherche en eco‐développement des espaces, Département des sciences de l’environnement, Faculté des sciences, Université Dj. Liabes, Bd Ben Mhidi, BP 89 22000 Sidi Bel’Abbes, Algérie .

Résumé : La remontée biologique, dans les nappes alfatières, dépend en grande partie de la pluviosité et de sa distribution saisonnière. Les années sèches sont marquées par une faible densité en espèces végétales occupant l’espace inter‐touffes. La régénération et la reconstitution de la végétation steppique des steppes d’alfa sont possibles, entre autre par la pratique de l’épandage du fatras (nécromasse et litière) récupéré des touffes non exploitées, sur les espaces dénudés. L’étude quantitative spatio‐temporelle de la végétation des espaces inter‐touffes a révélé que la densité des espèces végétales augmente sous paillage. Cette augmentation reste néanmoins dépendante des conditions climatiques saisonnières malgré l’atténuation de l’évaporation du sol par le paillage.

Mots-clés : Steppe algérienne \; Ressource végétale \; Évapotranspiration.

Illustrations


ARTICLE
Auteur(s) : Benchaben Hellal, Benchohra Benseddik, Nadira Ayad, Hachemi Benhassaini
Laboratoire de recherche en eco-développement des espaces, Département des sciences de l’environnement, Faculté des sciences, Université Dj. Liabes, Bd Ben Mhidi, BP 89 22000 Sidi Bel’Abbes, Algérie




Les nappes alfatières situées dans les hautes plaines steppiques algériennes connaissent une régression dans leur tapis végétal. Le Houerou estimait leur taux de recouvrement moyen à seulement 5 % en 1985 [1]. Une période sèche d’une durée exceptionnelle de 15 ans, de 1970 à 1985, et une forte pression anthropozoogène, expliquent la forte régression de ces nappes alfatières observée depuis 20 ans.
La pratique du paillage constitue l’une des possibilités de régénération des milieux steppiques soumis à la double action du surpâturage et de la sécheresse. Elle élimine la croûte biologique générée par les algues et les champignons [2]. Des études récentes ont montré, par la pratique du nettoiement des touffes d’alfa et l’éparpillement du fatras sur le sol, qu’il est possible de valoriser les nappes alfatières et d’augmenter le taux de recouvrement dela végétation steppique [3, 4]. La présente étude permet de quantifier l’effet du paillage sur la végétation steppique des espaces inter-touffes d’alfa (Stipa tenacissima. L.).
Matériel et méthode
Présentation du site d’étude
Le site d’étude, connu sous le nom d’En Nouala, est une nappe alfatière de la partie nord des hautes plaines steppiques sud-oranaise de l’Algérie occidentale. Il est localisé aux environs de l’intersection du parallèle 34° 56’ de latitude N et le méridien 0° 55’ de longitude O, se trouve à une altitude moyenne de 1 120 m et sa pente varie de 1 à 3 % (figure 1) à environ 100 km W–SW de Saïda, non loin de Ras Elma (14 Km).
La nappe alfatière d’En Nouala repose sur des sols calciques caractérisés par une teneur croissante en calcaire et une diminution du taux de matière organique vers la profondeur [5]. Elle est située dans l’étage bioclimatique semi-aride inférieur à hivers froids, au sens d’Emberger [6], et l’étage aride moyen à hivers froids, au sens de Le Houerou et Gounot [7, 8]. La pluviosité annuelle durant la période d’étude varie de 154,9 mm à 300,1 mm (tableau I) avec une moyenne interannuelle de 226,7 mm ; les températures minimales et maximales moyennes sont respectivement de l’ordre de – 0,5 °C et 35 °C [9-11]. La végétation est de type herbacé à base d’alfa, avec des reliques de chêne vert (Quercus ilex. L.) et de genévrier oxycèdre (Juniperus oxycedrus. L.). La strate herbacée est constituée essentiellement d’alfa (Stipa tenacissima. L.), de quelques pieds de sparte (Lygeum spartum. L.) et d’un ensemble d’espèces végétales pérennes et annuelles.
Tableau I. Précipitations mensuelles (en mm) de 6 années d’observations et coefficient de variation (CV) (Station de Ras Elma : 0° 49’ W et 31° 30’ N) (source : Office national de météorologie ONM, 1992).

Années Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre Total (annuel)
1985 27,7 4,6 20,1 3,1 8,5 11 3,4 4,6 35,3 13,5 15,6 24,5 171,9
1986 27,3 12,4 46 12,8 36,4 12,7 1 7,9 27,3 59 42,7 14,8 300,3
1987 19 21,4 1,4 6 9 18 8 1,8 21,4 9,7 17,2 22 154,9
1988 24 27,8 10,7 9,3 9,7 10,8 1 4,1 36,7 11,6 29 4,5 179,2
1989 20,4 6 106,4 37,6 9,5 38,7 2,5 12 10,6 14,7 19,4 9,8 287,6
1990 57,8 14,3 3,5 39,6 68,6 23,2 0,5 11 21 5,8 7 13,8 266,1
CV 45 % 57 % 117 % 82 % 95 % 51 % 94 % 54 % 35 % 95 % 52 % 46 % 26 %
Protocoles expérimentaux
L’étude de l’effet de l’épandage des feuilles mortes d’alfa sur la densité de la composition floristique de la nappe alfatière d’En Nouala, à moitié paillée en 1984, est fondée sur des relevés de végétation de trois années d’observations. La nappe alfatière est soumise à la mise en défends contre toute exploitation alfatière et pâturage. L’analyse quantitative de la composition floristique s’appuie sur les relevés types moyens (RTM) déterminés à partir des relevés de végétation effectués à travers la zone paillée et la zone non paillée. Les relevés de 1 m2 de surface d’échantillonnage sont espacés entre eux de 25 m sur des transects séparés les uns des autres de 100 m. Les relevés types moyens (RTM) sont obtenus à partir des relevés de végétation de base (figure 2). Les densités par espèce sont additionnées puis divisées par le nombre des carrés et converties en degrés de Barralis [12] (tableau II). À titre d’exemple, l’espèce Dactylis glomerata a enregistré, en 1989, une densité moyenne de 23 individus par mètre carré en zone paillée (736/32 = 23) ; cette densité équivaut à 4 en degrés de Barralis [12].
Tableau II. Degrés de Barralis (1976).
Degrés de Barralis Densités/m2 (nbre d’individus/espèce)
1 0 à 1
2 1 à 2
3 3 à 20
4 21 à 50
5 > 51
L’effet du paillage sur la disparition, par dessèchement, de la végétation annuelle et la variation spatio-temporelle des espèces appétibles est déterminé à partir des données de deux transects de 60 placettes contiguës d’un mètre carré de surface coupant à la fois les deux zones [13]. Le comptage des individus des espèces végétales a débuté au mois de mai et s’est poursuivi jusqu’au mois d’août de la même année d’observation.
La variabilité spatio-temporelle des espèces appétibles est mesurée à partir des relevés types moyens (RTM) et des transects de placettes contiguës décrits ci-dessus. Cette étude fait intervenir l’indice de qualité spécifique (Isi), déterminé en fonction de la vitesse de croissance de l’espèce végétale, de son assimilabilité, de son acceptabilité et de sa toxicité [14]. À chaque espèce végétale est affecté un indice sur une échelle de 0 à 10 [15, 16].
Résultats
La végétation à travers la zone paillée et la zone non paillée
L’analyse de l’effet du paillage sur la végétation steppique d’ En Nouala, située sur une pente de 1 à 3 % et dont les 3/4 de la partie supérieure sont recouverts par les brins morts d’alfa, est précédée par la détermination de l’effet pente sur le nombre et la densité des espèces végétales à travers la zone non paillée.
• Détermination de l’effet pente sur le nombre et la densité des espèces végétales
La comparaison de la partie haute et de la partie basse de la zone non paillée permet de vérifier l’effet pente sur la densité et le nombre d’espèces végétales par type morphologique et indice de qualité spécifique. Elle est réalisée sur les relevés types moyens (RTM) des trois transects issus d’un échantillonnage systématique. Les résultats sont illustrés sous forme d’histogrammes (figures 3 et 4).
La différence entre les densités des espèces végétales de la partie haute et de la partie basse de la zone non paillée n’est pas significative (χ12 = 2,08 ; α = 14,9 %). De même, la différence entre les annuelles et les pérennes n’est pas significative. La répartition des annuelles par degré de Barralis et le nombre des espèces appétibles par classe d’indice de qualité spécifique demeurent non significatifs.
La répartition du nombre d’individus par indice de qualité spécifique est vraisemblablement homogène entre la partie haute et la partie basse de la zone non paillée (F1 = 0,24 ; α = 64 %).
• Effet du paillage sur les densités interannuelles des espèces végétales
Les densités des espèces végétales recensées dans les transects effectués à travers la zone paillée et la zone non paillée peuvent être comparées par le test du χ2. Letableau III réunit le nombre d’espèces végétales par zone, par densité exprimée en degré de Barralis et par année.

Tableau III. Nombre d’espèces végétales par densité exprimée en degré de Barralis par zone et par année.
Degré de Barralis
Années Zones 1 2 3 Total
1988 Paillée 19 9 – 28
Non paillée 27 5 – 32
1989 Paillée 18 12 10 40
Non paillée 29 6 4 39
1990 Paillée 10 7 11 28
Non paillée 19 5 4 28

La répartition des espèces végétales par degré de Barralis entre les deux zones ne présente pas de différences significatives pour l’année 1988 (χ12 = 2,28 ; α = 13 %). En revanche, les années 1989 (χ22 = 7,13 ; α = 2,8 %) et 1990 (χ22 = 6,39 ; α = 4,1 %) se sont manifestées par de fortes densités en zone paillée.
• Espèces dont la densité varie selon la présence ou l’absence du paillage
La détermination des espèces végétales dont la densité varie selon la présence ou l’absence du paillage est fondée sur les relevés des campagnes 1989 et 1990. La comparaison des densités de chaque espèce végétale dans les deux zones est effectuée par le test du χ2. Selon les valeurs du risque d’erreur, les espèces peuvent être réorganisées en deux groupes.
Campagne 1989
– le premier groupe, défini pour un risque d’erreur de 5 %, est constitué de 12 espèces végétales dont les densités sont les plus importantes en zone paillée. Il s’agit de :Dactylis glomerata, Echinaria capitata, Achillea leptophylla, Alyssum linifolium, Bupleurum semi-compositum, Delphinium peregrinum, Bromus secalinus, Zizyphora hispanica, Euphorbia falcata, Carthamus pectinatus, Helianthemum cinereum, Xeranthemum inapertum ;
– le second groupe, pour un risque d’erreur de 5 à 10 %, est formé de 5 espèces : Alyssum scutigerum, Evax pygmaea, Atractylis cancellata, Limonium echioides, Hordeum murinum.
Campagne 1990
– le premier groupe, pour un risque d’erreur de 5 %, compte 10 espèces : Bupleurum semi-compositum, Hordeum murinum, Alyssum linifolium, Xeranthemum inapertum, Limonium echioides, Evax pygmaea, Alyssum scutigerum, Helianthemum cinereum, Zizyphora hispanica, Carthamus pectinatus ;
– le second groupe, pour un risque d’erreur de 5 % à 10 %, est constitué de 4 espèces : Dactylis glomerata, Atractylis cancellata, Bromus secalinus, Achillea leptophylla.
La comparaison des deux groupes, entre les deux campagnes, permet de constater que :
– les espèces Hordeum murinum, Limonium echioides, Evax pygmaea et Alyssum scutigerum, présentent une forte densité en zone paillée pour l’année 1990 ;
– les espèces Dactylis glomerata, Bromus secalinus et Achillea leptophylla, connaissent au contraire une diminution dans leur densité par rapport à l’année 1989.
• Proportions d’espèces éphémères par rapport au nombre total d’espèces dans les deux zones
La répartition des espèces annuelles et des espèces pérennes dans les deux zones ne présente aucune différence significative (test du χ2). Les résultats sont illustrés dans les (figures 5 et 6).
• Effet du paillage sur la densité des espèces éphémères
La comparaison des densités des espèces annuelles entre la zone paillée et la zone non paillée est réalisée par le test du χ2 sur les données du tableau IV.
Tableau IV. Nombres d’espèces annuelles par densité exprimée en degré de Barralis, par zone et par année.
Degré de Barralis
Années Zones 1 2 3 et + Total
1988 Paillée 8 3 2 13
Non paillée 13 0 1 14
1989 Paillée 6 8 10 24
Non paillée 15 5 3 23
1990 Paillée 4 4 9 17
Non paillée 10 3 4 17
L’année 1989 présente un nombre élevé d’espèces annuelles de moyennes et fortes densités en zone paillée (χ22 = 8,30 ; α = 1,5 %). La différence du nombre d’espèces annuelles entre les deux zones pour l’année 1990 est à peine perceptible (χ22 = 4,63 ; α = 9,8 %).
Perte d’espèces végétales par mois et par zone
La disparition, par dessèchement, des espèces végétales a été suivie dans deux transects de placettes contiguës coupant à la fois les deux zones. Le dénombrement mensuel des espèces végétales dans les deux transects a permis de mettre en évidence la perte des espèces végétales de mai à août. Les résultats sont reportés dans le tableau V.
Tableau V. Nombre d’espèces végétales par mois, par transect et par zone.
25 27 12 7
Transect 2 23 18 8 4
Non paillée Transect 1 26 23 10 3
Transect 2 25 24 9 3
Espèces appétibles
La distribution des espèces appétibles (tableau VI) par classes d’indices de qualité spécifique (Isi), entre les deux zones, ne présente pas de différences significatives.
Tableau VI. Nombre d’espèces végétales appétibles par classes d’Isi, par zone et par année.
Isi Isi
Années Zones 1 à 3 4 et + Total
1988 Paillée 7 14 21
Non paillée 10 15 26
1989 Paillée 11 19 30
Non paillée 13 17 30
1990 Paillée 9 14 23
Non paillée 8 14 22
La qualité bromatologique semble n’être pas influencée par le paillage.
Pluviosité
La caractérisation pluviométrique des trois années d’échantillonnage est possible par la comparaison avec les trois années antérieures (1985, 1986 et 1987). L’année 1986 où la pluviométrie atteint 300 mm constitue une exception ; tandis que pour les cinq autres années, la pluviosité se situe entre 171,9 et 287,6 mm (tableau I). Les années d’échantillonnage 1989 et 1990 se distinguent par un taux de pluviométrie plus élevé que celui des années 1985, 1987 et 1988. Le taux de pluviosité de 1989 dépasse celui de 1990 de 21,5 mm. Quant à l’écart maximum entre les six années d’observations, il est de 145,4 mm ; la valeur du coefficient de variation (CV = 26 %) caractérise mieux la variabilité de la pluviosité des climats arides.
Les précipitations mensuelles des six années d’observations connaissent aussi une forte hétérogénéité. Les valeurs du coefficient de variation oscillent entre 35 % et 117 %. Les plus fortes variations sont enregistrées aux mois de mars, avril, mai, juillet et octobre.
La répartition saisonnière de la pluie, comme le montre le tableau VII, est hétérogène entre les années, et d’une saison à une autre. Les valeurs des coefficients de variation (CV) renseignent sur la variabilité entre les saisons. Les saisons d’automne et de printemps présentent des coefficients de variation plus élevés ; ceux d’hiver et d’été expriment une certaine homogénéité dans la répartition des précipitations saisonnières, à quelques exceptions près.
Tableau VII. Précipitations saisonnières (mm) et coefficient de variation (CV) (station de Ras Elma : 0°49’ W et 31° 30’ N) (source : Office national de météorologie ONM, 1992).
Années Automne Hiver Printemps Été Total (mm)
1985 mm 53,6 52,4 22,6 43,3 171,9
% 31,1 30,5 13,1 25,2 100
1986 mm 116,5 85,7 61,9 36,2 300,3
% 38,8 28,5 20,6 12,1 100
1987 mm 48,9 41,8 33,0 31,2 154,9
% 31,6 27,0 21,3 20,1 100
1988 mm 45,1 62,5 29,8 41,8 179,2
% 25,2 34,9 16,6 23,3 100
1989 mm 43,9 132,8 85,8 25,1 287,6
% 15,3 46,2 29,8 8,7 100
1990 mm 26,6 75,6 131,4 32,5 266,1
% 10,0 28,4 49,4 12,2 100
Moyenne (mm) 55,8 75,1 60,8 35,0 226,7
% 25,3 32,6 25,1 16,9 100
CV 51 % 39 % 63 % 18 % 26 %
La saison la plus pluvieuse par excellence, sur les six années, est l’hiver de l’année 1989, suivie du printemps de 1990 où le taux de pluviométrie dépasse 130 mm.
Discussion
L’étude de l’effet du paillage est fondée sur le nombre, la densité, la morphologie, l’appétibilité et la disparition, par dessèchement, des espèces végétales.
Le paillage, réalisé en 1984, a agi positivement sur le nombre d’espèces végétales, pérennes, annuelles et appétibles, mesuré 5 ans plus tard. Les conditions microclimatiques que le paillage a créé n’ont pas induit l’apparition d’espèces nouvelles ou la disparition d’espèces déjà existantes. Nos résultats montrent que la régression des espèces héliophiles signalées par Bourahla et Guittonneau [3] a surtout affecté leurs densités.
Dans nos conditions expérimentales, l’action du paillage est déterminante sur la densité des espèces végétales. Le nombre d’individus, par espèce végétale, est globalement plus important en zone paillée qu’en zone non paillée. La disparition, par dessèchement, des espèces végétales est plus importante sur les surfaces dénudées que sur celles recouvertes par les feuilles mortes d’alfa. L’épandage des brins morts d’alfa sur le sol atténue la disparition, par dessèchement, des espèces au cours de la saison sèche par la diminution de l’évaporation et l’augmentation de l’infiltration des eaux de pluies tardives [17]. Il apparaît que le paillage crée des conditions favorables pour la germination des graines et la croissance des jeunes plantules [3, 18, 19]. La germination massive du stock de semences sous paillage est surtout due à la levée de dormance et à l’élimination des inhibiteurs par lavage aux eaux de pluies ou par dégradation par des micro-organismes [20, 21]. Les fortes précipitations saisonnières coïncident avec la prolifération des espèces végétales à la fois annuelles et pérennes. Les différences constatées entre les trois années d’observations traduisent la variabilité de la pluviosité des milieux arides [22, 23]. La caractérisation de la variabilité du climat par le coefficient de variation de la hauteur de pluie renseigne en effet sur la répartition temporelle des précipitations. Les valeurs mensuelles du coefficient de variation se situent entre 35 % et 117 % ; les plus fortes correspondent aux mois de mars (117 %), avril (82 %), mai (95 %), juillet (94 %) et octobre (95 %). Il est supérieur à 25 % pour l’ensemble des régions arides [24], compris entre 35 et 70 % pour les déserts et peut même atteindre 150 % dans les cas extrêmes [23]. Floret et Pontanier [18] donnent un intervalle de 40 à 80 % pour la Tunisie présaharienne. La pluviosité est de plus en plus aléatoire et les moyennes perdent toute signification. Il convient de signaler que la pluviosité présente une hétérogénéité temporelle assez importante.
La disponibilité de l’eau se trouve conditionnée par divers facteurs agissant sur l’infiltration de l’eau, son stockage dans le sol et son accessibilité aux plantes. Les contraintes pouvant être occasionnées par ces facteurs créent une aridité édaphique qui vient accentuer celle définie à partir des critères climatiques [18]. L’amélioration des caractères hydriques du sol par le paillage et l’élimination de la pellicule de glaçage ont induit une forte augmentation de la densité des espèces végétales par l’accroissement de l’infiltration des eaux de pluie et l’atténuation de l’évaporation [3, 4]. La pellicule de glaçage, de consistance plus dure et de moindre porosité, est considérée comme un frein à l’infiltration de l’eau et à la germination des graines. De nombreux travaux sur cette pellicule signalent que son origine est complexe. Floret et Pontanier [18] ont montré que le phénomène de glaçage peut se rencontrer sur des sols sableux. Skujins [25] fait ressortir le rôle des algues et des champignons dans la formation de ces pellicules dites croûtes biologiques.
L’appétibilité, telle que définie par de nombreux auteurs, est difficilement mesurable [14]. Elle est exprimée, dans notre cas, par l’indice de qualité spécifique [15]. La densité des espèces appétibles a augmenté par la pratique du paillage. Elle a surtout affecté les espèces à fort indice de qualité spécifique. Il se trouve que l’épandage des feuilles mortes d’alfa sur le sol constitue un moyen de régénération des pâturages steppiques. Cependant, le contrôle du parcours s’avère important dans la conservation des pâturages steppiques menacés de disparition. Dans un mode d’exploitation libre des parcours, le surpâturage conduit inévitablement à la dégradation des potentialités biologiques et écologiques. L’enrichissement en thérophytes concomitant avec une régression des espèces pérennes, augmente certes la valeur pastorale mais confère au parcours une plus grande variabilité interannuelle. La production se trouve ainsi concentrée durant la bonne saison [26, 27].
Afin d’estimer le coût effectif du paillage à l’hectare, nous avons pris en considération certains facteurs tels que : les charges sociales, la fourniture de petits outillages, la prise en charge du chantier, etc. Techniquement, dix ouvriers spécialisés dominent parfaitement un hectare sur l’impact considéré. Le coût de l’opération s’élève à 7 000 DA/ha/jour (soit environ 85 euros).
La mise en défends devrait accompagner l’opération « paillage », afin de permettre la restauration de la steppe dégradée.
Conclusion
La régénération et la reconstitution de la végétation steppique sont encore possibles par la pratique de l’épandage des feuilles mortes d’alfa sur le sol. L’étude spatio-temporelle de la végétation steppique a révélé que la densité des espèces végétales s’améliore en présence du paillage. Cette amélioration est due essentiellement à l’action du paillage sur les caractères physiques et hydriques du sol. Les eaux de pluies sont ainsi mieux emmagasinées par le sol steppique en augmentant l’infiltration et en atténuant l’évaporation. L’augmentation de la densité des espèces végétales a surtout favorisé les espèces appétibles de bonne qualité bromatologique. 
Références
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