des réferences bibliographiques rares et specialisés

concernant la flore d'algerie occidentale

samedi 18 février 2012

Évolution saisonnière de la composition foliaire de Stipa tenacissima L. en lipides totaux et en acides gras

Auteur(s) : Zoheir Mehdadi, Zineddine Benaouda, Slimane Belbraouet, Hachemi Benhassaini, Laid Hamel, Mohamed Benali ,


Faculté des sciences, Université

Djillali Liabès, Sidi Bel Abbès 22000, Algérie Fax : 48 54 43 44 [[Merci de vérifier les e-mails des auteurs]], École de nutrition et des études familiales, Université de Moncton, 165, Massey Ave, Moncton, New Brunswick, Canada E1A 3E9.

Résumé : La composition foliaire de Stipa tenacissima L. en lipides totaux et en acides gras présente une variation quantitative saisonnière. L’analyse en composantes principales effectuée sur les acides gras identifiés et quantifiés par chromatographie en phase gazeuse met en évidence l’existence de deux groupes d’acides gras importants : l’un corrélé à la saison de dormance estivale et l’autre à la saison de croissance printanière, traduisant ainsi l’influence de ces deux saisons sur le remaniement de cette composante biochimique dans le tissu foliaire de l’espèce. Le groupe affiné à l’été est représenté par un ensemble d’acides gras saturés (acide laurique, acide myristique, acide palmitique et acide stéarique) caractéristiques des états de résistance à la sécheresse. En revanche, le groupe corrélé à la saison de croissance printanière, comporte principalement des acides gras insaturés (acide linoléique, acide linolénique et acide 13-octadécénoïque) dont la biosynthèse est stimulée dans les jeunes feuilles en croissance.

Mots-clés : agroforesterie, alfa, ressource végétale

Illustrations


ARTICLE
Auteur(s) : Zoheir Mehdadi1, Zineddine Benaouda1, Slimane Belbraouet2, Hachemi Benhassaini1, Laid Hamel1, Mohamed Benali1
1Faculté des sciences, Université Djillali Liabès, Sidi Bel Abbès 22000, Algérie Fax : 48 54 43 44 [[Merci de vérifier les e-mails des auteurs]]
2École de nutrition et des études familiales, Université de Moncton, 165, Massey Ave, Moncton, New Brunswick, Canada E1A 3E9
L’alfa (Stipa tenacissima L.) est une graminée vivace typique du bassin méditerranéen [1], peuplant essentiellement les hautes plaines steppiques algériennes [2]. Elle est considérée comme l’un des remparts face à l’avancée du désert grâce à son système racinaire très développé qui permet la fixation et la protection du sol [3]. Elle a fait depuis toujours l’objet d’une activité artisanale très diversifiée. Dans l’industrie, son intérêt réside dans l’utilisation de ses feuilles dans la fabrication de la pâte à papier [4, 5].En Algérie, les steppes à alfa se régénèrent très difficilement et l’on assiste donc à une régression du couvert végétal qui prend une allure fort inquiétante se traduisant par une accélération de la désertification [6, 7]. Les difficultés de cette régénération sont les conséquences du climat contraignant caractérisé par une longue période de sécheresse qui peut s’étendre jusqu’à neuf mois dans le Sud oranais et par des pluies insuffisantes et irrégulières [8, 9] qui font que les conditions favorables pour la germination et l’installation de l’alfa et des autres espèces pastorales steppiques sont imprévisibles [10, 11]. Les pratiques humaines irrationnelles sans respect du cycle biologique de cette espèce, les conditions qui influent sur son développement comme la cueillette anarchique, les incendies, le défrichement au profit d’une céréaliculture peu convaincante, le surpâturage [6] et la méconnaissance des lois biologiques et écologiques qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’évolution de l’écosystème steppique en général et de l’alfa en particulier sont autant de facteurs qui augmentent cette vulnérabilité.L’alfa a fait l’objet de multiples travaux, qui ont tous mis l’accent sur la nécessité de revaloriser l’écosystème alfatier. Parmi ces travaux, on trouve notamment ceux qui ont été réalisés en phytoécologie [12-14] et en cytologie [3, 15, 16]. Cependant, peu de travaux consacrés à la valorisation biochimique de cette espèce ont été entrepris [17, 18].Sachant que l’alfa est en régression continuelle (pour les raisons que nous avons déjà évoquées), sa valorisation nécessite une meilleure maîtrise des lois fondamentales de l’écologie et de la biologie. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les objectifs du présent travail qui suit l’évolution saisonnière de la composition en lipides totaux et en acides gras des feuilles d’alfa prélevées dans les conditions naturelles des hautes plaines steppiques de la région de Ras-el-ma (Algérie occidentale).
Matériel et méthode
La quantification des lipides totaux et des acides gras est effectuée sur la partie foliaire des touffes d’alfa adultes et homogènes, ayant les caractéristiques suivantes : diamètre, ≈ 50 cm ; circonférence, ≈ 120 cm ; et hauteur, ≈ 80 cm.
Les analyses portent sur l’ensemble des feuilles, à l’exception des brins secs et morts, prélevées sur vingt touffes choisies durant les quatre saisons du cycle biologique annuel1 de l’alfa (année 2003), à raison de cinq touffes par saison (en hiver : mi-janvier ; au printemps : mi-avril ; en été : mi-juillet ; et en automne : mi-octobre). Les feuilles récoltées sont séchées dans une étuve à 60 °C pendant 72 heures, puis réduites en poudre à l’aide d’un broyeur à couteau muni d’un filtre à mailles.
Les touffes choisies évoluent dans les conditions naturelles des hautes plaines steppiques de la wilaya2 de Sidi Bel Abbès (daïra de Ras-el-ma, au lieu-dit Kerzouta) ( (figure 1) ), sous une ambiance climatique aride où la période sèche peut s’étendre jusqu’à neuf mois [8, 9].
Le site de prélèvement est géré et mis en défens par l’Institut national de recherche forestière (INRF) ; il est localisé sensiblement à l’intersection du parallèle 34° 30′ de latitude Nord et du méridien 1° 02′ de longitude Ouest, à une altitude de 1 100 m.
L’extraction des lipides totaux est effectuée par la méthode de Folch et al. [19]. Une prise d’essai de 2 grammes de poudre végétale de feuilles d’alfa est mise en présence de 40 mL de mélange chloroforme:méthanol (2:1). Après 30 min d’agitation, le mélange est centrifugé pendant 10 min à une vitesse de 500 g (soit 3 500 tr/min) puis filtré sur filtre plissé. Cette opération est effectuée trois fois sur le même contenu en poudre végétale et ce, afin d’épuiser entièrement son contenu en composés organiques.
Le mélange est récupéré après filtration dans un ballon préalablement taré. On y ajoute ensuite une solution de KCl à 9 °/°° et on agite avec une baguette en verre. Le ballon est connecté à un évaporateur rotatif réglé à 70 °C pour récupérer les lipides totaux et ce, après évaporation des solvants. Les lipides totaux sont quantifiés par pesée.
Les acides gras sont dosés par la méthode de Lepage et Roy [20]. Celle-ci consiste à mettre dans un tube à essai une quantité de 200 mg de poudre végétale, en présence d’un agent méthylant (HCl méthanolique) et d’un solvant organique (benzène).
La méthylation se fait à 80 °C pendant 2 heures. Après refroidissement dans un bain de glace, 5 mL de KCl à 9 g/L sont additionnés. Deux extractions d’acides gras sont effectuées à l’éther éthylique et une troisième au chloroforme-méthanol (2:1). Une fois rassemblées, les trois solutions contenant les acides gras constituent un volume de 20 mL. Après évaporation des phases organiques rassemblées, les acides gras sont repris avec 1 mL d’hexane. De ce volume, un microlitre (1 μL) est injecté dans un chromatographe en phase gazeuse (VARIAN 3400) couplé à un enregistreur (SHIMADZU CR 3a). L’identification et la quantification des acides gras sont réalisées à l’aide de standards commerciaux dans les conditions chromatographiques suivantes :
• – colonne capillaire « Chrompack CP-WAX 52 CB » de 25 m de long et 0,32 mm de diamètre ;
• – températures : four (165-180 °C ; 2 °C/min), injecteur et détecteur (200 °C) ;
• – gaz vecteur : hydrogène.
L’hypothèse d’égalité des teneurs moyennes saisonnières des lipides totaux est testée par le modèle de l’analyse de la variance à un facteur contrôlé (la saison) [21].
Les corrélations existantes entre les saisons et les différents acides gras identifiés sont mises en évidence par l’analyse en composantes principales (ACP) dont le principe est de représenter un phénomène multidimensionnel par un graphique à deux ou plusieurs dimensions. Ce test permet de résumer la plus grande variabilité des acides gras quantifiés pour un nombre plus réduit de variables synthétiques appelées axes factoriels. Ces axes définissent le premier plan factoriel de l’ACP dans lequel sont projetées les quatre saisons. Dans cette ACP, les acides gras projetés ont des coordonnées comprises entre - 1 et + 1 et appartiennent à un cercle des corrélations. L’interprétation de l’ACP se fait à partir de l’examen du cercle des corrélations et de la position des saisons sur les axes factoriels [22].
Résultats
Les résultats obtenus attestent une variabilité saisonnière, confirmée par le test de l’analyse de la variance (P < 0,05), de la teneur moyenne en lipides totaux (tableau 1)( Tableau I ). Les pourcentages enregistrés sont faibles, ne dépassant pas les 2 %. Le maximum est noté au printemps (1,73 %) et le minimum en été (0,87 %). Des valeurs intermédiaires caractérisent la saison d’automne (1,18 %) et la saison d’hiver (1,50 %).
Qualitativement, les acides gras caractérisant cette fraction lipidique sont répartis en acides gras saturés (AGS) et en acides gras insaturés (AGIS). Les acides gras saturés sont représentés par les acides myristique, palmitique, laurique et stéarique. Les acides gras insaturés comprennent des acides gras monoinsaturés (AGMS) (acide oléique et acide 13-octadécénoïque) et polyinsaturés (AGPI) (acide linoléique, acide linolénique et acide eicosapentaénoïque) (tableau 2)( Tableau II ).
Quantitativement, nous constatons chez les feuilles d’automne, d’hiver et notamment de printemps, la prédominance des acides gras insaturés (respectivement 54,3 %, 61,5 % et 78,3 %) représentés essentiellement par les acides oléique et linoléique. En revanche, les feuilles prélevées pendant la saison estivale sont caractérisées par la présence notable d’acides gras saturés (60,3 %) (tableau 2, ( figure 2 )).
Dans l’analyse en composantes principales effectuée sur les acides gras identifiés et quantifiés lors des saisons (figures 3 et 4), le plan 1, 2 est retenu car il rend compte d’un maximum d’informations sur les corrélations existantes entre la distribution de ces acides gras et les saisons.
L’axe 1 est représenté par l’acide palmitique dans la mesure où ce dernier y présente les plus fortes contributions (+ 0,948). À l’opposé de cet axe, les plus faibles contributions sont représentées par l’acide linolénique (- 0,972).
L’axe 2 est représenté par l’acide eicosapentaénoïque, acide gras y présentant les contributions les plus élevées (+ 0,777). Sur le côté négatif de ce même axe, l’acide oléique caractérisé par les plus faibles contributions (- 0,933), s’oppose à l’acide eicosapentaénoïque.
Le cercle des corrélations montre la présence de quatre groupes d’acides gras dont deux (GI et GII) sont statistiquement homogènes ( (figure 3) ) :
• – premier groupe (GI) corrélé à la saison d’été : acide palmitique, acide myristique, acide stéarique et acide laurique ;
• – deuxième groupe (GII) corrélé à la saison de printemps : acide linolénique, acide 13-octadécénoïque et acide linoléique.
Les troisième et quatrième groupes sont de moindre importance que les deux précédents :
• – troisième groupe (GIII) corrélé à la saison d’hiver : acide eicosapentaénoïque.
• – quatrième groupe (GIV) corrélé à l’automne : acide oléique.

Tableau I Pourcentages moyens saisonniers des lipides totaux.
Hiver Printemps Eté Automne Test
1,50 ± 0,05 1,73 ± 0,01 0,87 ± 0,01 1,18 ± 0,01 +

Tableau II Pourcentages saisonniers des acides gras par rapport aux acides gras totaux.
Hiver Printemps Eté Automne
Acides gras
1. Saturés (AGS)
Acide laurique (C12 :0) 08,8 00,0 17,5 10,2
Acide myristique (C14 :0) 05,5 00,9 11,5 10,7
Acide palmitique (C16 :0) 15,2 15,9 20,4 16,7
Acide stéarique (C18 :0) 08,8 04,6 10,9 07,8
2. Non saturés (AGIS)
Acide oléique (C18 :1n-9) 36,7 37,3 30,8 38,5
Acide13-octadécénoique (C18 :1n-5) 00,0 00,2 00,0 00,0
Acide linoléique (C18 :2n-6) 23,3 35,9 07,8 15,8
Acide linolénique (C18 : 3n-3) 00,6 04,9 00,0 00,0
Acide eicosapentaénoïque (C20 :5n-3) 00,9 00,0 00,7 00,0
Discussion
Les résultats obtenus montrent que les lipides totaux dans les feuilles de l’alfa sont faiblement représentés et attestent une variabilité saisonnière dans leur distribution quantitative, confirmée par l’analyse de la variance. Ils montrent également que les températures extrêmes marquant la saison d’été de la région steppique de Ras-el-ma diminuent la biosynthèse des lipides chez cette graminée. En effet, les valeurs les plus basses en lipides totaux, correspondant à environ 50 % des valeurs optimales notées au printemps, sont observées en été où des maxima thermiques moyens de l’ordre de 38 °C et une faible tranche pluviométrique moyenne d’environ 43 mm sont enregistrés [8]. Ces observations rejoignent celles de Somerville et Browse [23] qui ont observé une réduction d’environ de moitié de la teneur en lipides et de tiers du rapport acides gras insaturés et saturés (AGIS/AGS) chez Arabidopsis thaliana soumise à des températures élevées. En été, nous constatons dans les feuilles de l’alfa, une réduction d’environ 1/6 du rapport AGIS/AGS (0,65) et ce comparativement à la saison de printemps où ce rapport est maximum (3,65). La baisse considérable de ce rapport en été reflète la sévérité de la sécheresse en cette période. L’effet des hautes températures sur le métabolisme des lipides membranaires et sur la croissance des espèces végétales est confirmé également dans d’autres travaux [24-29].
La fraction lipidique des feuilles d’alfa est caractérisée par la prédominance des acides gras insaturés durant tout le cycle biologique annuel, sauf en été où nous constatons l’accumulation d’acides gras saturés, représentés notamment par les acides palmitique, laurique, myristique et stéarique. Les acides gras insaturés présentent un pic au printemps, avec 40,8 % d’acides gras polyinsaturés et 37,5 % d’acides gras monoinsaturés. Cela explique les valeurs élevées des rapports AGIS/AGS (3,65) et AGPI/AGS (1,9) obtenus lors de cette saison. Parmi la fraction insaturée, l’acide oléique et l’acide linoléique sont les mieux représentés dans les feuilles de l’alfa.
Les distributions quantitative et qualitative des acides gras au niveau des feuilles prélevées au printemps se rapprochent de celles établies sur certaines graminées [29, 30] et espèces fourragères [31].
L’affinité des acides gras saturés avec la saison estivale et des insaturés avec la saison printanière est confirmée par l’analyse en composantes principales (ACP), ce qui met en évidence l’influence saisonnière sur les distributions quantitative et qualitative des acides gras et donc sur leur biosynthèse dans les feuilles de l’alfa. En effet, sur les quatre groupes d’acides gras dégagés par l’ACP, nous notons l’importance de deux groupes. Il s’agit du groupe I (GI) situé sur le côté positif de l’axe 1 du cercle des corrélations, présentant des affinités avec la saison d’été et regroupant les acides gras saturés sus-cités ; le groupe II (GII) est situé toujours sur le même axe du cercle des corrélations mais à l’opposé du groupe d’été. Il est représenté par les acides linoléique, linolénique et 13-octadécénoïque.
Contrairement aux autres saisons, l’accumulation d’acides gras saturés dans le tissu foliaire de l’alfa en été semble constituer un moyen de lutte contre le stress thermique et d’adaptation aux conditions de sécheresse caractérisant cette saison. En effet, il est noté que l’accumulation d’acides gras saturés dans les membranes cellulaires accroît leur température de fonte et constitue un mécanisme d’adaptation biochimique des plantes au stress thermique [23, 32]. La relation existante entre la biosynthèse d’acides gras saturés et les fortes températures est également mise en évidence chez un mutant d’Arabidopsis thaliana déficient en activité de la désaturase ω-9 de l’acide gras du chloroplaste, lequel accumulait de grandes quantités d’acide palmitique résultant en une plus forte saturation des lipides du chloroplaste [33].
D’une manière générale, les plantes entreprennent ce mode d’adaptation pour éviter les effets néfastes du stress thermique qui, au niveau cellulaire, entraînent des lésions pariétales accompagnées d’une perte du contenu cellulaire due à la dénaturation des protéines et à la fonte des lipides membranaires [27, 34].
Par opposition à la saison estivale, l’affinité du deuxième groupe d’acides gras représentés par les acides linoléique, linolénique et 13-octadécénoïque à la saison printanière peut s’expliquer par la clémence du climat en cette étape du cycle biologique, caractérisée notamment par des températures moyennes optimales oscillant entre 16 et 25 °C et une tranche pluviométrique moyenne appréciable avoisinant 93 mm [8], ce qui permet à l’alfa de rester dans une phase de pleine croissance marquée par la reprise de l’activité photosynthétique et l’explosion des bourgeons axillaires, assurant donc le rajeunissement de son feuillage [35]. Dans ce contexte, il est noté que la biosynthèse d’acides gras polyinsaturés, comme l’acide linoléique et l’acide linolénique au détriment des acides gras saturés, est en rapport avec le stade végétatif de la plante dans la mesure où elle devient importante chez les jeunes feuilles où l’activité photosynthétique est plus accrue [31, 36].
Les groupes III et IV mis en évidence par l’ACP, semblent des groupes de moindre importance, constitués respectivement par l’acide eicosapentaénoïque corrélé à la saison de dormance hivernale dont les proportions sont très faibles, et par l’acide oléique corrélé à la seconde saison de croissance représentée par l’automne. L’acide oléique est l’acide gras le mieux représenté. Sa teneur est comparable presque tout au long du cycle biologique de l’alfa.
Conclusion
Les résultats obtenus dans le cadre de ce travail font ressortir que les proportions en lipides totaux et en acides gras sont différentes dans les feuilles de Stipa tenacissima L. prélevées durant les quatre saisons de son cycle biologique annuel. Ces différences sont confirmées par le test de l’analyse de la variance ainsi que par l’analyse en composantes principales (ACP). Celle-ci a permis de dégager quatre groupes d’acides gras présentant différentes corrélations avec les saisons.
Parmi ces quatre groupes, deux d’entre eux sont importants et intéressants. Il s’agit du groupe corrélé à la saison de printemps, comportant principalement des acides gras insaturés représentés par les acides linoléique, linolénique et 13-octadécénoïque. L’autre groupe est affiné à la saison d’été ; il est constitué par des acides gras saturés, à savoir l’acide laurique, l’acide myristique, l’acide palmitique et l’acide stéarique.
Cette variabilité saisonnière peut être mise en relation avec l’état de maturité des parois et des tissus foliaires, certainement conditionnée par les phénomènes de croissance saisonnière. Cela signifierait que le remaniement de ces composés biochimiques est lié aux facteurs du milieu, en particulier le climat représenté essentiellement par la température et la pluviométrie dont le rôle est déterminant sur la distribution des saisons, sur l’organisation et l’évolution de la végétation en milieu steppique [13].
Les acides gras insaturés caractérisant le premier groupe constituent une caractéristique des feuilles en croissance des touffes de la saison de printemps, période où l’alfa est en pleine activité. En revanche, les acides gras saturés caractérisant le deuxième groupe semblent constituer une stratégie adaptative ou une réponse biochimique à l’encontre de l’aridité excessive de la saison estivale.
Bien qu’ils soient présents à de faibles quantités dans le tissu foliaire de l’alfa, les lipides sont une fraction à ne pas négliger sur le plan qualitatif, vu leur richesse en acides gras insaturés, en particulier l’acide oléique et linoléique dont les vertus thérapeutiques sont considérables. Ils pourraient faire l’objet d’une valorisation dans le domaine diététique [37].
Il ressort donc que l’alfa est une ressource végétale d’un grand intérêt qui peut jouer un rôle important dans l’écodéveloppement de l’Algérie. La présente situation doit nous inciter à prendre des mesures de mise en défens rigoureuses, à mettre en place un programme de valorisation et à œuvrer vers une législation qui protège et préserve cette ressource.
Par ailleurs, les résultats obtenus mettent également en évidence l’intérêt qu’il faut accorder à la variabilité de la distribution quantitative saisonnière des paramètres biochimiques étudiés et ce dans le cadre d’un éventuel programme de mise en valeur, car l’exploitation de cette ressource passe avant tout par le respect de son cycle biologique.
Références
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2 Wilaya : division administrative de l’Algérie.1 Le cycle biologique de l’alfa présente deux saisons de croissance (automne et printemps) et deux saisons de dormance (hiver et été).

Évolution saisonnière de la composition foliaire de Stipa tenacissima L. en éléments minéraux et en fibres pariétales

Résumé La composition foliaire de l’alfa (Stipa tenacissima L.) en éléments minéraux et en fibres pariétales présente une variation quantitative saisonnière confirmée par épreuves statistiques. Une analyse en composantes principales met en évidence deux groupes essentiels de variables biochimiques corrélés au printemps et à l’été, traduisant ainsi l’influence de ces deux saisons sur leur remaniement dans le tissu foliaire de l’alfa. Le premier groupe affine à l’été semble constituer une stratégie d’adaptation biochimique aux conditions de repos estival. Il est représenté
par la lignine, la cellulose, les fibres totales, le potassium et le cuivre. Le second groupe, corrélé au printemps, phase biologique où les conditions de croissance sont optimales, est constitué de pectines, d’hémicelluloses, d’azote, de magnésium, de fer et de phosphore. Comparativement au faible taux de matière minérale, les fibres pariétales, en particulier la cellulose et les hémicelluloses, sont les composés majeurs du tissu foliaire de l’alfa.
Abstract The leaf composition of Stipa tenacissima L. in mineral elements and parietal fibers presents a seasonal quantitative variation confirmed by statistical analysis. A principal components analysis showed two essential groups of biochemical variables correlated in spring and summer, translating so the influence of these two seasons on their reworking in the alfa leaves. The first group correlated at the summer seems, making up a biochemical strategy of adaptation to the conditions of summer pause. It is represented by lignin, cellulose, total fibers,
potassium and copper. The second group correlated at spring, biological phase where the conditions of growth are optimal, is consisted of pectins, hemicelluloses, nitrogen, magnesium, iron and phosphorus. Comparatively to the mineral matter's weak rate, the parietal fibers, particularly the cellulose and hemicelluloses, are the major compounds in alfa leaves.




Z. BENAOUDA, MEHDADI, S. BELBRAOUET, I. BOUCHAOUR & L. HAMEL
Impact saisonnier sur la composition foliaire de Lygeum spartum L. en lipides totaux et en acides gras dans la région ouest-algérienne
Paru dans Acta botanica Gallica, 2006, 153 (3), pp. 387-397. Français
Résumé Les lipides totaux et les acides gras contenus dans les feuilles du Sparte (Lygeum sparteum L.) sont caractérisés par une variabilité quantitative saisonnière. L'analyse en composante principale (ACP) réalisée sur les acides gras quantifiés et identifiés par chromatographie en phase gazeuse a montré qu'en période de dormance estivale ces feuilles se caractérisent par des taux très bas en lipides. Ils sont constitués essentiellement d'acides gras saturés dont les acides palmitique, stéarique et myristique sont les plus représentatifs (groupe 1). Ces acides gras saturés semblent constituer une stratégie d'adaptation biochimique contre le déficit hydrique et les températures extrêmes que connaît la région d'étude. Par contre, en période de croissance printanière, où les touffes de Sparte sont constituées surtout de jeunes feuilles en voie de croissance, nous avons obtenu des taux relativement importants en lipides avec prédominance des acides gras insaturés dont les acides oléique, linoléique et linolénique sont les plus caractéristiques et constituent le groupe 2.
Abstract The leaf composition of Lygeum sparteum L. in total lipids and fatty acids presents a seasonal quantitative variation. The principal components analysis realized in the fatty acids quantified and identified by gas chromatography showed that, in period of estival dormancy, the leaves of Lygeum sparteum L. are characterized by a very low rates in lipids. They are made up primarily of saturated fatty acids of which the palmitic, stearic and myristic acid are more representatives (group 1). These saturated fatty acids seem, made up a biochemical strategy of adaptation against the hydrous deficit and the extremes temperatures, which the area of study know. On the other hand, in period of spring growth, we obtained relatively significant rates in lipids with prevalence of the unsaturated fatty acids of which the acids oleic, linoleic and linolenic are most characteristic and set up group 2.


F.Z. BESSAM, Z. MEHDADI, M. BESSAM HASSIBA & A. MAROUF
Effets de quelques prétraitements physiques sur l’amélioration des performances germinatives de Stipa tenacissima L. et caractérisation des substances inhibitrices
Paru dans Acta Botanica Gallica, 2010, 157 (2), pp. 349-360. Français
Résumé Les caryopses d’alfa les plus âgés (9 ans) sont tout aussi viables que les moins âgés (3 ans) avec de meilleures capacités de germination. Le traitement de ces capacités obtenues dans nos conditions expérimentales par l’ACP montre que la germination est favorisée en présence de la lumière du jour, dans un intervalle de température de 18 °C à 20 °C, seule ou associée à un prétraitement au froid de 5 °C pendant 24 h à 72 h, et par la scarification. À la lumière du jour, un maximum de germination (90.66% à 94.66%) est atteint après un prétraitement au froid de 5 °C notamment pendant 72 h. La scarification se traduit par une amélioration de la capacité de germination à la température optimale continue de 20 °C et à l’obscurité, une meilleure vitesse de germination, un temps de latence plus court. Ces résultats peuvent être mis en rapport avec la baisse des teneurs de certaines substances connues pour être inhibitrices de la germination comme les phénols totaux, les flavonoïdes, les tanins condensés et hydrolysés, après suppression des téguments.
Abstract The oldest caryopses of alfa (9 years) are quite as viable as the least old ones (3 years) by recording better capacities of germination. The treatment of these capacities obtained under our experimental conditions, by PCA shows that germination is favoured on the one hand in the presence of daylight, in an interval of temperature of 18 °C at 20 °C, alone or associated to a cold preprocessing of 5 °C during 24 h at 72 h and on the other hand by scarification. Indeed, at daylight, a maximum of germination (90.66% to 94.66%) is reached after a cold preprocessing of 5 °C in particular during 72 h. Scarification results in an improvement of the capacity of germination at the continuous optimal temperature of 20 °C and to the darkness, a better speed of germination, a shorter latency time. These results can be put in connection with the fall of the contents of certain substances known to be inhibiting germination like total phenols, the flavonoïdes, the tannins condensed and hydrolized, after removal of the teguments.

Influence du « fatras » sur la biomasse foliaire de l’alfa (Stipa tenacissima L.) de la steppe du Sud oranais (Algérie occidentale)

Auteur(s) : Benchaben Hellal, Nadira Ayad, M’hamed Maatoug, Mustapha Boularas ,
Laboratoire de recherche en écodéveloppement des espaces, Département des sciences de l’environnement, Faculté des sciences, Université Dj. Liabes, Bd Ben Mhidi, BP 89, 22000 Sidi Bel Abbès, Algérie, Faculté des sciences, Université de Tiaret, 14000 Tiaret, Algérie.

Résumé : Faute d’exploitation et en raison de la sécheresse des deux dernières décennies les nappes alfatières produisent de moins en moins de biomasse verte d’alfa. Ces deux facteurs sont à l’origine de la formation du fatras, entraînant ainsi la dégénérescence des touffes par le phénomène de circination. L’analyse comparative des taux de croissance et de dessèchement des feuilles d’alfa a été menée avec comme objectif d’étudier la formation du fatras en l’absence d’exploitation. Des mesures réalisées sur des touffes à l’état « naturel » et des touffes débarrassées de leur fatras rendent compte de la situation alarmante de la nappe alfatière. Cette situation traduit surtout la diminution progressive de la biomasse foliaire de l’alfa et la manifestation précoce du phénomène de circination. La relation étroite entre le fatras en augmentation progressive et la biomasse foliaire de l’alfa en diminution exprime en effet un déséquilibre certain de la nappe alfatière étudiée.

Mots-clés : alfa, biomasse, physiologie, phytologie, ressource végétale, steppe algérienne

Illustrations


ARTICLE
Auteur(s) : Benchaben Hellal1, Nadira Ayad1, M’hamed Maatoug2, Mustapha Boularas1
1Laboratoire de recherche en écodéveloppement des espaces, Département des sciences de l’environnement, Faculté des sciences, Université Dj. Liabes, Bd Ben Mhidi, BP 89, 22000 Sidi Bel Abbès, Algérie
2Faculté des sciences, Université de Tiaret, 14000 Tiaret, Algérie
Les steppes algériennes connaissent de sérieuses modifications. La mer d’alfa décrite par de nombreux explorateurs aux XIXe et XXe siècles, ne figure plus que dans les archives [1-4]. Divers facteurs, en particulier l’anthropisation, la lenteur du rouissage et les aléas climatiques, sont responsables de la situation actuelle des nappes alfatières [5]. La dégradation généralisée s’est accompagnée des phénomènes habituels de désertification [6]. Des champs de dunes se sont établis sur de vastes étendues où le taux de recouvrement de la végétation n’excède pas 5 %. La forte régression observée depuis 20 ans s’explique par la pression démographique en forte progression (de l’ordre de 2,5 %/an) et une période de sécheresse exceptionnelle de 1970 à 1985 [7].La présente étude accorde une grande importance aux phénomènes de croissance et de dessèchement des feuilles d’alfa en liaison avec le fatras. Le fatras – ou masse des feuilles qui quoique mortes restent longtemps encore suspendues aux touffes – est un handicap pour toute régénération végétative et feuillaison (figure 1). Le suivi de la croissance et du dessèchement en présence ou en absence de fatras sur les touffes, permet d’évaluer les périodes optimales de cueillette des feuilles vertes d’alfa. La comparaison des taux de dessèchement entre les touffes nettoyées et les touffes non nettoyées, en absence de cueillette, renseigne sur la vitesse de formation du fatras et sur son impact sur la nappe alfatière. L’analyse de la relation entre le fatras et la biomasse foliaire verte produite détermine en effet le seuil de tolérance entre ces paramètres vis-à-vis du cycle biologique de la touffe d’alfa.
Matériel et méthode
Présentation du site d’étude
Le site d’étude, connu sous le nom d’En-Nouala, est une nappe alfatière de la partie nord des hautes plaines steppiques du Sud oranais de l’Algérie occidentale (figure 2). Il est localisé aux environs de l’intersection du parallèle 34°56′ de latitude N et le méridien 0°55′ de longitude O. L’altitude moyenne est de 1 120 m et la pente du terrain varie de 1 à 3 %. Il est situé à environ 14 km de Ras Elma (figure 3). La nature lithologique est de type gréseux à gréseux calcaire, datant du Pliocène, surmontée d’un sol calcique caractérisé par un horizon supérieur bien différencié peu épais reposant sur un horizon d’accumulation de calcaire sous forme diffuse ou en concrétion [8-10].
La végétation est essentiellement une formation naturelle herbacée à base d’alfa (Stipa tenacissima L.), de reliques de chêne-vert (Quercus ilex L.) et de genévrier oxycèdre (Juniperus oxycedrus L.) dont la hauteur n’excède pas 5 m. La densité de l’alfa se situe entre 7 100 et 8 600 touffes par hectare, avec une hauteur moyenne de 54,4 cm et un taux de recouvrement de 27 à 34 % [11]. La strate herbacée est, entre autres, représentée par quelques touffes de sparte (Lygeum spartum L.) et un ensemble d’espèces végétales vivaces et d’autres éphémères [12].
Les conditions climatiques régionales se caractérisent par une amplitude thermique annuelle de 35,5 °C (- 0,5 °C à 35 °C) et une pluviosité annuelle moyenne variant de 200 mm à 301 mm. L’humidité relative ne dépasse guerre 28 %, la gelée blanche dure 77 jours tandis que le vent chaud (sirocco) persiste en moyenne 21 jours par an [13-15].
Durant la période d’étude, la pluviosité moyenne annuelle enregistrée du site d’étude est de 226 mm ; les températures minimales et maximales sont respectivement de l’ordre de 0 °C et 35 °C [15].
Protocoles expérimentaux
L’étude est basée sur la croissance, le dessèchement et la biomasse foliaire de l’alfa. Pour cela, deux parcelles de 150 m2 (5m x 30m) chacune et deux transects de 50 m2 (1m x 50m) ont été délimités à l’intérieur de la nappe alfatière d’En-Nouala.
Croissance et dessèchement des feuilles d’alfa
La mesure de la croissance et du dessèchement des feuilles d’alfa a été réalisée, au départ, sur 20 touffes prises au hasard dans la nappe alfatière d’En-Nouala. Dix d’entre elles ont été soigneusement nettoyées de leurs feuilles sèches formant le « fatras ». Dans chaque touffe d’alfa, 10 jeunes feuilles et 10 autres adultes ont été repérées par des jetons. Face à la fréquentation quotidienne du site d’étude par les troupeaux, seulement deux touffes nettoyées et trois touffes non nettoyées de leurs fatras ont pu être épargnées, ce qui a permis de mesurer les paramètres de croissance et de dessèchement sur une période de 13 mois. Les mesures ont été effectuées, avec une précision de 1 mm, sur la longueur des jeunes feuilles et la partie verte des feuilles adultes.
Biomasse foliaire de l’alfa
L’étude de l’effet du fatras sur la biomasse foliaire verte de l’alfa est effectuée dans deux parcelles différentes de la nappe alfatière d’En-Nouala. Les deux parcelles diffèrent par la pente (1 % et 3 %). À l’intérieur de chaque parcelle, 30 touffes d’alfa non circinées (non fragmentées) ont été repérées afin d’en déterminer le poids de fatras et la biomasse foliaire verte. La mesure de la variation temporelle de la biomasse foliaire verte en fonction du fatras est ensuite suivie dans deux transects (témoin, expérimental) de 50 placettes contiguës de 1 m2. Le premier transect a servi de témoin (récolte simultanée des feuilles vertes et du fatras) dans la même nappe alfatière (figure 4).
La quantification, par mètre carré, du fatras du transect expérimental s’est déroulée en période de repos végétatif de l’alfa. La récolte du feuillage vert du même transect a été effectuée deux ans plus tard. Les feuilles vertes encore fraîches ont été placées dans l’étuve à 80 °C pour séchage jusqu’à poids constant.
Le contrôle des longueurs initiales et l’effet du nettoiement des touffes sur la croissance et le dessèchement des feuilles d’alfa ont été effectués par une analyse de la variance à un seul facteur (test de Fisher-Snedecor). Les données relatives à la biomasse foliaire verte de l’alfa et du poids du fatras ont été comparées par le test du coefficient de corrélation.
Résultats
Contrôle du choix aléatoire des touffes
Avant d’étudier la croissance des feuilles d’alfa, il faut s’assurer que l’échantillonnage des feuilles et des touffes a été effectué au hasard. Pour cela un contrôle a été réalisé par une analyse de la variance à un seul facteur sur les données du tableau 1.
La comparaison du Fobs (valeur observée de la variable de Fisher-Snedecor) au Fth (valeur théorique de la variable de Fisher-Snedecor) ne montre aucune différence significative entre les longueurs initiales moyennes des feuilles des cinq touffes échantillonnées :Le choix aléatoire des touffes est également vérifié sur les données du tableau 2 dont les valeurs sont les longueurs initiales de la partie verte des feuilles d’alfa en dessèchement.
La comparaison de la variable F de Fisher-Snedecor calculée avec celle relevée des tables n’indique aucune différence entre les touffes :
Tableau I Longueurs initiales, en centimètres, des jeunes feuilles de cinq touffes d’alfa.
N° des feuilles Touffe 1 Touffe 2 Touffe 3 Touffe 4 Touffe 5
1 01,80 01,60 05,00 02,50 04,50
2 10,00 03,10 07,00 02,00 06,60
3 09,00 05,70 09,30 20,00 17,50
4 09,50 07,00 03,00 12,00 01,40
5 17,50 03,50 09,50 14,00 06,70
6 13,50 06,00 11,30 06,20 04,00
7 10,40 05,90 03,00 03,50 04,50
8 08,50 04,00 05,20 05,50 02,20
9 06,50 03,50 05,80 07,30 03,10
10 04,00 03,00 10,00 03,40 05,30
Moyenne 09,07 04,33 05,91 07,64 05,58

Tableau II Longueurs initiales, en centimètres, de la partie verte des feuilles mûres de cinq touffes d’alfa.
N° des feuilles Touffe 1 Touffe 2 Touffe 3 Touffe 4 Touffe 5
1 13,50 35,00 34,60 30,20 42,10
2 20,00 44,50 37,00 19,00 22,00
3 28,20 22,00 29,00 24,50 24,60
4 28,00 34,50 31,00 28,00 35,80
5 17,30 21,20 26,30 22,50 36,60
6 28,10 26,50 34,00 21,00 25,70
7 39,50 10,20 32,50 19,00 29,60
8 33,50 9,10 33,00 23,70 36,10
9 40,50 10,50 27,00 21,80 21,00
10 29,30 19,50 12,50 19,70 36,10
Moyenne 27,79 23,30 29,69 22,94 30,96
Croissance des feuilles d’alfa
L’accroissement absolu de la longueur des feuilles d’alfa est étudié à deux périodes. La première période rassemble les mesures effectuées durant le printemps, l’été et la mi-saison d’automne. La seconde période est relative aux mesures faites de la mi-automne au printemps suivant. Ce découpage permet d’analyser l’accroissement absolu durant les deux phases biologiques de l’alfa (phase active, phase de repos végétatif).
La comparaison de l’accroissement absolu de la première phase, entre les jeunes feuilles de touffes d’alfa nettoyées et non nettoyées, est effectuée par une analyse de la variance à un seul facteur sur les données du tableau 3.
Le test statistique n’a détecté aucune différence significative entre les cinq touffes :
Le même résultat est obtenu pour la seconde phase malgré la forte moyenne de la touffe nettoyée n° 5 comme indiqué dans le tableau 4 :
La présence ou l’absence du fatras semble n’avoir aucun effet significatif sur la croissance des feuilles d’alfa durant les deux phases biologiques de l’alfa. L’accroissement des jeunes feuilles d’alfa, pour une durée de 13 mois, se situe entre 20 et 25 cm pour les touffes non nettoyées et de 19,5 cm à 24,5 cm pour les touffes nettoyées. L’absence de fatras dans les touffes n° 4 et n° 5 ne permet cependant pas à ces touffes de présenter une croissance en longueur de feuille significativement supérieure à celle des autres touffes.
Tableau III Accroissement absolu, en centimètres, de la longueur des jeunes feuilles d’alfa pour une période de 6 mois (mars à octobre).
Touffes nettoyées Touffes non nettoyées
N° des feuilles 1 2 3 4 5
1 14,20 05,40 16,50 08,50 13,50
2 18,50 11,90 17,00 17,00 15,90
3 12,00 15,80 20,20 13,50 17,00
4 26,50 06,00 19,50 14,00 11,60
5 22,70 05,00 18,50 16,50 20,30
6 11,50 05,50 19,70 08,80 10,30
7 17,60 08,10 17,50 10,50 09,50
8 09,00 19,50 06,30 02,50 09,80
9 11,50 20,20 19,20 04,70 10,90
10 13,00 20,50 17,00 10,60 18,70
Moyenne 15,65 11,79 17,14 10,66 13,75

Tableau IV Accroissement absolu, en centimètres, de la longueur des jeunes feuilles d’alfa pour une période de 7 mois (octobre à avril).
Touffes nettoyées Touffes non nettoyées
N° des feuilles 1 2 3 4 5
1 02,50 18,50 12,50 10,50 14,00
2 12,50 16,00 09,00 10,00 10,50
3 03,50 15,20 12,50 09,30 12,50
4 10,00 15,50 13,00 09,00 18,50
5 10,00 20,50 08,00 08,50 10,50
6 11,00 06,00 07,50 15,00 13,20
7 18,00 05,00 09,50 18,00 11,50
8 09,50 05,50 15,50 12,00 14,00
9 21,00 03,30 11,00 12,00 13,50
10 19,00 06,50 00,50 10,20 16,00
Moyenne 11,70 11,20 09,90 11,45 13,42
Dessèchement des feuilles d’alfa
Les longueurs du dessèchement temporel (13 mois) de la partie verte des feuilles mûres d’alfa sont reportées dans le tableau 5.
Le traitement de ces données par une analyse de la variance à un seul facteur a montré une différence hautement significative entre les touffes nettoyées et les touffes non nettoyées :
Le dessèchement de la partie verte des feuilles mûres d’alfa est plus important dans les touffes nettoyées que dans les touffes non nettoyées. La longueur du dessèchement, pour une durée de 13 mois, est de 10 à 20,3 cm pour les touffes non nettoyées et de 16 à 18 cm pour les touffes nettoyées (sans fatras).
Tableau V Longueurs de dessèchement, en centimètres, de la partie verte des feuilles mûres de cinq touffes d’alfa pendant 13 mois.
Touffes nettoyées Touffes non nettoyées
N° des feuilles 1 2 3 4 5
1 09,90 18,00 23,60 17,70 21,60
2 13,80 13,00 23,50 16,00 13,00
3 08,70 11,00 23,00 23,50 14,20
4 11,50 12,50 13,00 21,00 15,30
5 13,40 12,30 20,60 18,50 16,30
6 11,40 05,50 18,50 15,50 15,90
7 14,00 07,00 21,50 12,60 14,90
8 16,50 06,10 26,00 21,70 15,60
9 15,50 07,80 22,00 19,80 13,00
10 14,00 08,50 11,00 13,10 16,10
Moyenne 12,87 10,17 20,27 17,94 15,59
Biomasse foliaire de l’alfa
L’analyse des relations entre le poids du fatras et la biomasse foliaire verte de l’alfa est effectuée par le calcul du coefficient de corrélation. À la parcelle n° 1, on constate une forte corrélation entre les variables mesurées. Le poids du fatras est bien corrélé à la biomasse foliaire verte de l’alfa (r = 0,84). Ce résultat fait défaut dans la parcelle n° 2 (r = 0,05), ce qui indique l’existence d’une répartition hétérogène du fatras et de la biomasse foliaire verte à travers la nappe alfatière, répondant ainsi aux effets topographiques de la station d’étude (figure 5).
L’effet du fatras sur la biomasse foliaire de l’alfa est analysé, à partir des données recueillies sur deux transects (témoin, expérimental), par la détermination du coefficient de corrélation. Dans le transect témoin, les deux paramètres se trouvent bien corrélés entre eux (r = 0,65), alors que dans le transect expérimental la liaison est peu significative (r = 0,31). La différence observée entre les deux transects est, entre autres, causée par l’enlèvement du fatras sur les touffes du transect expérimental (figure 6). On retrouve, à l’échelle des transects, les relations entre le fatras et la biomasse foliaire verte, comme cela avait été montré pour les deux parcelles. Cependant, dans le cas des parcelles, l’effet topographique s’est montré déterminant alors qu’au niveau des transects, le nettoiement semble écarter toute relation.
Discussion
Les feuilles d’alfa naissent successivement dans le temps (période végétative active) et, à un moment donné, on trouve dans chaque touffe des feuilles de longueur et d’âge variables [16]. Dans une touffe normalement récoltée, chaque axe ne porte en moyenne que trois feuilles en croissance ou en mûrissement [17]. Le taux d’accroissement est d’autant plus faible que les feuilles se rapprochent de leur état de maturité. La présence du fatras sur les touffes n’a aucun effet sur la croissance des feuilles d’alfa. Entre autres, la croissance est plus rapide au printemps et en automne, car les feuilles profitent des radiations solaires intenses et d’humidité suffisante pour activer l’élaboration de la sève et montrer par conséquent un meilleur allongement [18, 19]. La température moyenne nécessaire à la photosynthèse se situe entre 16 et 25 °C [2]. La croissance se trouve faible ou presque nulle pendant la saison d’hiver, dès que la température descend en dessous de 3 à 5 °C [20]. Selon Lacoste [20], « il semble qu’une température moyenne supérieure à + 25 °C et pendant au moins trois à quatre mois suffise à réduire la période végétale de l’alfa ». Cette température coïncide le plus souvent avec l’époque marquant le début du déficit hydrique, ce qui freine rapidement le processus d’assimilation [21]. En effet durant cette période de repos estival, les cellules sont en plasmolyse maximale et les fibres cellulosiques se rétrécissent par durcissement du sclérenchyme [2]. Les fortes hauteurs des touffes ne constituent pas un critère de bonne vigueur et par suite de bonne productivité [17]. Elles sont dues essentiellement à la présence du « fatras » qui défavorise la ramification axillaire au détriment de la multiplication caulinaire [5].
Contrairement à la croissance, le taux de dessèchement diffère entre les touffes nettoyées et les touffes non nettoyées. Un fort taux de dessèchement a été mis en évidence au niveau des touffes soigneusement nettoyées de leur fatras. Le fatras protège donc les feuilles d’un dessèchement rapide. En effet, la présence du fatras, en forme de calotte compacte, préserve l’humidité du sol au centre de la touffe pendant que le sol nu en perd suffisamment sous l’effet de la chaleur [17]. La formation continuelle du fatras, face à la lenteur du phénomène de rouissage (dégradation des feuilles d’alfa), par suite de la siccité de l’atmosphère, constituerait une forme de « résistance » des touffes d’alfa à la sécheresse ; or le dépérissement continuel de la souche génératrice « rhizome » ne cesse de les morceler par circination (figure 7) [5]. La prise en compte à la fois des taux de croissance et de dessèchement pour les touffes « nettoyées » et les touffes « non nettoyées » permet de préconiser la suppression du fatras, d’autant plus que l’alfa est réputée pour sa grande résistance à la sécheresse [22-24].
La biomasse foliaire verte de l’alfa est sans doute soumise à l’action du fatras. Les touffes renferment une quantité appréciable de feuilles mortes d’alfa [5, 25]. La formation du fatras dépend essentiellement du temps de maturation de la feuille qui dure en moyenne de 6 mois à 2 ans selon les étages bioclimatiques et la topographie du milieu où végète l’alfa [18, 19, 25]. La quantité de fatras se situe entre 75 et 80 % de la biomasse foliaire de l’alfa sur glacis presque plat et atteint 66 % dans des zones particulières à fortes pentes occasionnellement lessivées par les eaux de rares pluies torrentielles qu’a connue la région. La biomasse foliaire verte n’excède généralement pas 34 % du total du feuillage de la touffe. Ces pourcentages, bien que la répartition soit hétérogène, ne peuvent qu’exprimer la perturbation de la régénération végétative de l’alfa de la nappe étudiée. Cette situation démontre l’impact du fatras sur la biomasse foliaire verte de l’alfa et par conséquent sur la vie de la touffe.
Conclusion
L’alfa (Stipa tenacissima L.), espèce steppique vivace reconnue pour sa grande résistance à la sécheresse, régresse dans son milieu « naturel ». Sa rusticité semble ne plus lui apporter d’avantage face à une sécheresse persistante et un rouissage naturel très long en absence d’exploitation rythmée. L’étude de la croissance et du dessèchement des feuilles a permis d’observer des différences de comportement vis-à-vis du fatras. La croissance des feuilles paraît être indifférente à la présence ou non du fatras alors que le dessèchement est accentué dans les touffes soigneusement nettoyées. Cependant, le phénomène de croissance l’a emporté sur le dessèchement.
L’interaction mesurée entre la biomasse foliaire et le poids du fatras montre qu’ils sont en étroite relation. Non seulement le fatras atténue le dessèchement des feuilles mais il réduit aussi la production foliaire (biomasse). L’absence de cueillette fait augmenter le poids du fatras et par conséquent diminue la biomasse foliaire verte de l’alfa. La biomasse foliaire verte ne dépasse généralement pas 34 % de la biomasse totale ; tandis que la quantité de fatras se situe entre 66 et 80 % du total du feuillage de la touffe. Ces pourcentages expriment en effet le dysfonctionnement de la régénération végétative de l’alfa entravée par la formation continuelle du fatras en l’absence d’exploitation et compte tenu de l’irrégularité des conditions climatiques souvent évoquée par les climatologues.
Références
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11 Bensid T, Debouzie D. Ségrégation spatiale dans l’implantation de l’alfa, Stipa tenacissima L. et de l’armoise, Artemisia herba alba Asso. dans les hautes plaines steppiques d’Algérie. Ecologia méditerranea 1996 ; XXII : 9-17.
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13 Seltzer P. Le climat de l’Algérie. Alger : Carbonel, 1946.
14 Le Houerou HN, Claudin J, Pouget M. Étude bioclimatique des steppes algériennes (avec une carte bioclimatique à 1/1 000 000°). Bull Soc Hist Nat Afr Nord 1979 ; 68 : 33-74.
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16 Harche M. Contribution à l’étude de l’alfa (Stipa tenacissima L.) d’Algérie : germination, croissance des feuilles et différenciation des fibres. Thèse 3e cycle, université des sciences et technique de Lille, 1978.
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18 Boudy P. Économie forestière nord-africaine. Monographie de l’alfa et traitement de l’alfa, Fasc 2, Livre III. Paris : Larose, 1950.
19 Ghrab S. Étude de la variabilité écophénologique de l’alfa en Tunisie centrale. Thèse de docteur-ingénieur, université d’Aix-Marseille, 1981.
20 Lacoste L. Répartition et conditions climatiques des nappes alfatières. Bull Soc Hist Nat Toulouse 1955(3-4) : 362-8.
21 Celles JC. Contribution à l’étude de la végétation des confins saharo-constantinois (Algérie). Thèse de doctorat d’État, université de Nice, 1975.
22 Killian C. Plantes fourragères types des hautes-plaines algérienne : leur rôle particulier en période sèche. Ann Amélior Plant Paris 1954(4) : 505-27.
23 Lemée G. Sur l’éfficacité de l’enroulement des feuilles de graminées contre la transpiration. CR Acad Sci Paris 1952(230) : 1201-3.
24 Lemée G. L’économie de l’eau chez quelques graminées vivaces du Sahara septentrional. Vegetatio 1954(5-6) : 534-41.
25 Marion J. Remarques sur le classement et la mise en valeur des nappes alfatières. Ann Rech Forest (Maroc) 1956 ; 4(fasc 1) : 107-27.

La régénération dans la steppe du Sud oranais en Algérie occidentale

Auteur(s) : Benchaben Hellal, Benchohra Benseddik, Nadira Ayad, Hachemi Benhassaini ,
Laboratoire de recherche en eco‐développement des espaces, Département des sciences de l’environnement, Faculté des sciences, Université Dj. Liabes, Bd Ben Mhidi, BP 89 22000 Sidi Bel’Abbes, Algérie .

Résumé : La remontée biologique, dans les nappes alfatières, dépend en grande partie de la pluviosité et de sa distribution saisonnière. Les années sèches sont marquées par une faible densité en espèces végétales occupant l’espace inter‐touffes. La régénération et la reconstitution de la végétation steppique des steppes d’alfa sont possibles, entre autre par la pratique de l’épandage du fatras (nécromasse et litière) récupéré des touffes non exploitées, sur les espaces dénudés. L’étude quantitative spatio‐temporelle de la végétation des espaces inter‐touffes a révélé que la densité des espèces végétales augmente sous paillage. Cette augmentation reste néanmoins dépendante des conditions climatiques saisonnières malgré l’atténuation de l’évaporation du sol par le paillage.

Mots-clés : Steppe algérienne \; Ressource végétale \; Évapotranspiration.

Illustrations


ARTICLE
Auteur(s) : Benchaben Hellal, Benchohra Benseddik, Nadira Ayad, Hachemi Benhassaini
Laboratoire de recherche en eco-développement des espaces, Département des sciences de l’environnement, Faculté des sciences, Université Dj. Liabes, Bd Ben Mhidi, BP 89 22000 Sidi Bel’Abbes, Algérie




Les nappes alfatières situées dans les hautes plaines steppiques algériennes connaissent une régression dans leur tapis végétal. Le Houerou estimait leur taux de recouvrement moyen à seulement 5 % en 1985 [1]. Une période sèche d’une durée exceptionnelle de 15 ans, de 1970 à 1985, et une forte pression anthropozoogène, expliquent la forte régression de ces nappes alfatières observée depuis 20 ans.
La pratique du paillage constitue l’une des possibilités de régénération des milieux steppiques soumis à la double action du surpâturage et de la sécheresse. Elle élimine la croûte biologique générée par les algues et les champignons [2]. Des études récentes ont montré, par la pratique du nettoiement des touffes d’alfa et l’éparpillement du fatras sur le sol, qu’il est possible de valoriser les nappes alfatières et d’augmenter le taux de recouvrement dela végétation steppique [3, 4]. La présente étude permet de quantifier l’effet du paillage sur la végétation steppique des espaces inter-touffes d’alfa (Stipa tenacissima. L.).
Matériel et méthode
Présentation du site d’étude
Le site d’étude, connu sous le nom d’En Nouala, est une nappe alfatière de la partie nord des hautes plaines steppiques sud-oranaise de l’Algérie occidentale. Il est localisé aux environs de l’intersection du parallèle 34° 56’ de latitude N et le méridien 0° 55’ de longitude O, se trouve à une altitude moyenne de 1 120 m et sa pente varie de 1 à 3 % (figure 1) à environ 100 km W–SW de Saïda, non loin de Ras Elma (14 Km).
La nappe alfatière d’En Nouala repose sur des sols calciques caractérisés par une teneur croissante en calcaire et une diminution du taux de matière organique vers la profondeur [5]. Elle est située dans l’étage bioclimatique semi-aride inférieur à hivers froids, au sens d’Emberger [6], et l’étage aride moyen à hivers froids, au sens de Le Houerou et Gounot [7, 8]. La pluviosité annuelle durant la période d’étude varie de 154,9 mm à 300,1 mm (tableau I) avec une moyenne interannuelle de 226,7 mm ; les températures minimales et maximales moyennes sont respectivement de l’ordre de – 0,5 °C et 35 °C [9-11]. La végétation est de type herbacé à base d’alfa, avec des reliques de chêne vert (Quercus ilex. L.) et de genévrier oxycèdre (Juniperus oxycedrus. L.). La strate herbacée est constituée essentiellement d’alfa (Stipa tenacissima. L.), de quelques pieds de sparte (Lygeum spartum. L.) et d’un ensemble d’espèces végétales pérennes et annuelles.
Tableau I. Précipitations mensuelles (en mm) de 6 années d’observations et coefficient de variation (CV) (Station de Ras Elma : 0° 49’ W et 31° 30’ N) (source : Office national de météorologie ONM, 1992).

Années Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre Total (annuel)
1985 27,7 4,6 20,1 3,1 8,5 11 3,4 4,6 35,3 13,5 15,6 24,5 171,9
1986 27,3 12,4 46 12,8 36,4 12,7 1 7,9 27,3 59 42,7 14,8 300,3
1987 19 21,4 1,4 6 9 18 8 1,8 21,4 9,7 17,2 22 154,9
1988 24 27,8 10,7 9,3 9,7 10,8 1 4,1 36,7 11,6 29 4,5 179,2
1989 20,4 6 106,4 37,6 9,5 38,7 2,5 12 10,6 14,7 19,4 9,8 287,6
1990 57,8 14,3 3,5 39,6 68,6 23,2 0,5 11 21 5,8 7 13,8 266,1
CV 45 % 57 % 117 % 82 % 95 % 51 % 94 % 54 % 35 % 95 % 52 % 46 % 26 %
Protocoles expérimentaux
L’étude de l’effet de l’épandage des feuilles mortes d’alfa sur la densité de la composition floristique de la nappe alfatière d’En Nouala, à moitié paillée en 1984, est fondée sur des relevés de végétation de trois années d’observations. La nappe alfatière est soumise à la mise en défends contre toute exploitation alfatière et pâturage. L’analyse quantitative de la composition floristique s’appuie sur les relevés types moyens (RTM) déterminés à partir des relevés de végétation effectués à travers la zone paillée et la zone non paillée. Les relevés de 1 m2 de surface d’échantillonnage sont espacés entre eux de 25 m sur des transects séparés les uns des autres de 100 m. Les relevés types moyens (RTM) sont obtenus à partir des relevés de végétation de base (figure 2). Les densités par espèce sont additionnées puis divisées par le nombre des carrés et converties en degrés de Barralis [12] (tableau II). À titre d’exemple, l’espèce Dactylis glomerata a enregistré, en 1989, une densité moyenne de 23 individus par mètre carré en zone paillée (736/32 = 23) ; cette densité équivaut à 4 en degrés de Barralis [12].
Tableau II. Degrés de Barralis (1976).
Degrés de Barralis Densités/m2 (nbre d’individus/espèce)
1 0 à 1
2 1 à 2
3 3 à 20
4 21 à 50
5 > 51
L’effet du paillage sur la disparition, par dessèchement, de la végétation annuelle et la variation spatio-temporelle des espèces appétibles est déterminé à partir des données de deux transects de 60 placettes contiguës d’un mètre carré de surface coupant à la fois les deux zones [13]. Le comptage des individus des espèces végétales a débuté au mois de mai et s’est poursuivi jusqu’au mois d’août de la même année d’observation.
La variabilité spatio-temporelle des espèces appétibles est mesurée à partir des relevés types moyens (RTM) et des transects de placettes contiguës décrits ci-dessus. Cette étude fait intervenir l’indice de qualité spécifique (Isi), déterminé en fonction de la vitesse de croissance de l’espèce végétale, de son assimilabilité, de son acceptabilité et de sa toxicité [14]. À chaque espèce végétale est affecté un indice sur une échelle de 0 à 10 [15, 16].
Résultats
La végétation à travers la zone paillée et la zone non paillée
L’analyse de l’effet du paillage sur la végétation steppique d’ En Nouala, située sur une pente de 1 à 3 % et dont les 3/4 de la partie supérieure sont recouverts par les brins morts d’alfa, est précédée par la détermination de l’effet pente sur le nombre et la densité des espèces végétales à travers la zone non paillée.
• Détermination de l’effet pente sur le nombre et la densité des espèces végétales
La comparaison de la partie haute et de la partie basse de la zone non paillée permet de vérifier l’effet pente sur la densité et le nombre d’espèces végétales par type morphologique et indice de qualité spécifique. Elle est réalisée sur les relevés types moyens (RTM) des trois transects issus d’un échantillonnage systématique. Les résultats sont illustrés sous forme d’histogrammes (figures 3 et 4).
La différence entre les densités des espèces végétales de la partie haute et de la partie basse de la zone non paillée n’est pas significative (χ12 = 2,08 ; α = 14,9 %). De même, la différence entre les annuelles et les pérennes n’est pas significative. La répartition des annuelles par degré de Barralis et le nombre des espèces appétibles par classe d’indice de qualité spécifique demeurent non significatifs.
La répartition du nombre d’individus par indice de qualité spécifique est vraisemblablement homogène entre la partie haute et la partie basse de la zone non paillée (F1 = 0,24 ; α = 64 %).
• Effet du paillage sur les densités interannuelles des espèces végétales
Les densités des espèces végétales recensées dans les transects effectués à travers la zone paillée et la zone non paillée peuvent être comparées par le test du χ2. Letableau III réunit le nombre d’espèces végétales par zone, par densité exprimée en degré de Barralis et par année.

Tableau III. Nombre d’espèces végétales par densité exprimée en degré de Barralis par zone et par année.
Degré de Barralis
Années Zones 1 2 3 Total
1988 Paillée 19 9 – 28
Non paillée 27 5 – 32
1989 Paillée 18 12 10 40
Non paillée 29 6 4 39
1990 Paillée 10 7 11 28
Non paillée 19 5 4 28

La répartition des espèces végétales par degré de Barralis entre les deux zones ne présente pas de différences significatives pour l’année 1988 (χ12 = 2,28 ; α = 13 %). En revanche, les années 1989 (χ22 = 7,13 ; α = 2,8 %) et 1990 (χ22 = 6,39 ; α = 4,1 %) se sont manifestées par de fortes densités en zone paillée.
• Espèces dont la densité varie selon la présence ou l’absence du paillage
La détermination des espèces végétales dont la densité varie selon la présence ou l’absence du paillage est fondée sur les relevés des campagnes 1989 et 1990. La comparaison des densités de chaque espèce végétale dans les deux zones est effectuée par le test du χ2. Selon les valeurs du risque d’erreur, les espèces peuvent être réorganisées en deux groupes.
Campagne 1989
– le premier groupe, défini pour un risque d’erreur de 5 %, est constitué de 12 espèces végétales dont les densités sont les plus importantes en zone paillée. Il s’agit de :Dactylis glomerata, Echinaria capitata, Achillea leptophylla, Alyssum linifolium, Bupleurum semi-compositum, Delphinium peregrinum, Bromus secalinus, Zizyphora hispanica, Euphorbia falcata, Carthamus pectinatus, Helianthemum cinereum, Xeranthemum inapertum ;
– le second groupe, pour un risque d’erreur de 5 à 10 %, est formé de 5 espèces : Alyssum scutigerum, Evax pygmaea, Atractylis cancellata, Limonium echioides, Hordeum murinum.
Campagne 1990
– le premier groupe, pour un risque d’erreur de 5 %, compte 10 espèces : Bupleurum semi-compositum, Hordeum murinum, Alyssum linifolium, Xeranthemum inapertum, Limonium echioides, Evax pygmaea, Alyssum scutigerum, Helianthemum cinereum, Zizyphora hispanica, Carthamus pectinatus ;
– le second groupe, pour un risque d’erreur de 5 % à 10 %, est constitué de 4 espèces : Dactylis glomerata, Atractylis cancellata, Bromus secalinus, Achillea leptophylla.
La comparaison des deux groupes, entre les deux campagnes, permet de constater que :
– les espèces Hordeum murinum, Limonium echioides, Evax pygmaea et Alyssum scutigerum, présentent une forte densité en zone paillée pour l’année 1990 ;
– les espèces Dactylis glomerata, Bromus secalinus et Achillea leptophylla, connaissent au contraire une diminution dans leur densité par rapport à l’année 1989.
• Proportions d’espèces éphémères par rapport au nombre total d’espèces dans les deux zones
La répartition des espèces annuelles et des espèces pérennes dans les deux zones ne présente aucune différence significative (test du χ2). Les résultats sont illustrés dans les (figures 5 et 6).
• Effet du paillage sur la densité des espèces éphémères
La comparaison des densités des espèces annuelles entre la zone paillée et la zone non paillée est réalisée par le test du χ2 sur les données du tableau IV.
Tableau IV. Nombres d’espèces annuelles par densité exprimée en degré de Barralis, par zone et par année.
Degré de Barralis
Années Zones 1 2 3 et + Total
1988 Paillée 8 3 2 13
Non paillée 13 0 1 14
1989 Paillée 6 8 10 24
Non paillée 15 5 3 23
1990 Paillée 4 4 9 17
Non paillée 10 3 4 17
L’année 1989 présente un nombre élevé d’espèces annuelles de moyennes et fortes densités en zone paillée (χ22 = 8,30 ; α = 1,5 %). La différence du nombre d’espèces annuelles entre les deux zones pour l’année 1990 est à peine perceptible (χ22 = 4,63 ; α = 9,8 %).
Perte d’espèces végétales par mois et par zone
La disparition, par dessèchement, des espèces végétales a été suivie dans deux transects de placettes contiguës coupant à la fois les deux zones. Le dénombrement mensuel des espèces végétales dans les deux transects a permis de mettre en évidence la perte des espèces végétales de mai à août. Les résultats sont reportés dans le tableau V.
Tableau V. Nombre d’espèces végétales par mois, par transect et par zone.
25 27 12 7
Transect 2 23 18 8 4
Non paillée Transect 1 26 23 10 3
Transect 2 25 24 9 3
Espèces appétibles
La distribution des espèces appétibles (tableau VI) par classes d’indices de qualité spécifique (Isi), entre les deux zones, ne présente pas de différences significatives.
Tableau VI. Nombre d’espèces végétales appétibles par classes d’Isi, par zone et par année.
Isi Isi
Années Zones 1 à 3 4 et + Total
1988 Paillée 7 14 21
Non paillée 10 15 26
1989 Paillée 11 19 30
Non paillée 13 17 30
1990 Paillée 9 14 23
Non paillée 8 14 22
La qualité bromatologique semble n’être pas influencée par le paillage.
Pluviosité
La caractérisation pluviométrique des trois années d’échantillonnage est possible par la comparaison avec les trois années antérieures (1985, 1986 et 1987). L’année 1986 où la pluviométrie atteint 300 mm constitue une exception ; tandis que pour les cinq autres années, la pluviosité se situe entre 171,9 et 287,6 mm (tableau I). Les années d’échantillonnage 1989 et 1990 se distinguent par un taux de pluviométrie plus élevé que celui des années 1985, 1987 et 1988. Le taux de pluviosité de 1989 dépasse celui de 1990 de 21,5 mm. Quant à l’écart maximum entre les six années d’observations, il est de 145,4 mm ; la valeur du coefficient de variation (CV = 26 %) caractérise mieux la variabilité de la pluviosité des climats arides.
Les précipitations mensuelles des six années d’observations connaissent aussi une forte hétérogénéité. Les valeurs du coefficient de variation oscillent entre 35 % et 117 %. Les plus fortes variations sont enregistrées aux mois de mars, avril, mai, juillet et octobre.
La répartition saisonnière de la pluie, comme le montre le tableau VII, est hétérogène entre les années, et d’une saison à une autre. Les valeurs des coefficients de variation (CV) renseignent sur la variabilité entre les saisons. Les saisons d’automne et de printemps présentent des coefficients de variation plus élevés ; ceux d’hiver et d’été expriment une certaine homogénéité dans la répartition des précipitations saisonnières, à quelques exceptions près.
Tableau VII. Précipitations saisonnières (mm) et coefficient de variation (CV) (station de Ras Elma : 0°49’ W et 31° 30’ N) (source : Office national de météorologie ONM, 1992).
Années Automne Hiver Printemps Été Total (mm)
1985 mm 53,6 52,4 22,6 43,3 171,9
% 31,1 30,5 13,1 25,2 100
1986 mm 116,5 85,7 61,9 36,2 300,3
% 38,8 28,5 20,6 12,1 100
1987 mm 48,9 41,8 33,0 31,2 154,9
% 31,6 27,0 21,3 20,1 100
1988 mm 45,1 62,5 29,8 41,8 179,2
% 25,2 34,9 16,6 23,3 100
1989 mm 43,9 132,8 85,8 25,1 287,6
% 15,3 46,2 29,8 8,7 100
1990 mm 26,6 75,6 131,4 32,5 266,1
% 10,0 28,4 49,4 12,2 100
Moyenne (mm) 55,8 75,1 60,8 35,0 226,7
% 25,3 32,6 25,1 16,9 100
CV 51 % 39 % 63 % 18 % 26 %
La saison la plus pluvieuse par excellence, sur les six années, est l’hiver de l’année 1989, suivie du printemps de 1990 où le taux de pluviométrie dépasse 130 mm.
Discussion
L’étude de l’effet du paillage est fondée sur le nombre, la densité, la morphologie, l’appétibilité et la disparition, par dessèchement, des espèces végétales.
Le paillage, réalisé en 1984, a agi positivement sur le nombre d’espèces végétales, pérennes, annuelles et appétibles, mesuré 5 ans plus tard. Les conditions microclimatiques que le paillage a créé n’ont pas induit l’apparition d’espèces nouvelles ou la disparition d’espèces déjà existantes. Nos résultats montrent que la régression des espèces héliophiles signalées par Bourahla et Guittonneau [3] a surtout affecté leurs densités.
Dans nos conditions expérimentales, l’action du paillage est déterminante sur la densité des espèces végétales. Le nombre d’individus, par espèce végétale, est globalement plus important en zone paillée qu’en zone non paillée. La disparition, par dessèchement, des espèces végétales est plus importante sur les surfaces dénudées que sur celles recouvertes par les feuilles mortes d’alfa. L’épandage des brins morts d’alfa sur le sol atténue la disparition, par dessèchement, des espèces au cours de la saison sèche par la diminution de l’évaporation et l’augmentation de l’infiltration des eaux de pluies tardives [17]. Il apparaît que le paillage crée des conditions favorables pour la germination des graines et la croissance des jeunes plantules [3, 18, 19]. La germination massive du stock de semences sous paillage est surtout due à la levée de dormance et à l’élimination des inhibiteurs par lavage aux eaux de pluies ou par dégradation par des micro-organismes [20, 21]. Les fortes précipitations saisonnières coïncident avec la prolifération des espèces végétales à la fois annuelles et pérennes. Les différences constatées entre les trois années d’observations traduisent la variabilité de la pluviosité des milieux arides [22, 23]. La caractérisation de la variabilité du climat par le coefficient de variation de la hauteur de pluie renseigne en effet sur la répartition temporelle des précipitations. Les valeurs mensuelles du coefficient de variation se situent entre 35 % et 117 % ; les plus fortes correspondent aux mois de mars (117 %), avril (82 %), mai (95 %), juillet (94 %) et octobre (95 %). Il est supérieur à 25 % pour l’ensemble des régions arides [24], compris entre 35 et 70 % pour les déserts et peut même atteindre 150 % dans les cas extrêmes [23]. Floret et Pontanier [18] donnent un intervalle de 40 à 80 % pour la Tunisie présaharienne. La pluviosité est de plus en plus aléatoire et les moyennes perdent toute signification. Il convient de signaler que la pluviosité présente une hétérogénéité temporelle assez importante.
La disponibilité de l’eau se trouve conditionnée par divers facteurs agissant sur l’infiltration de l’eau, son stockage dans le sol et son accessibilité aux plantes. Les contraintes pouvant être occasionnées par ces facteurs créent une aridité édaphique qui vient accentuer celle définie à partir des critères climatiques [18]. L’amélioration des caractères hydriques du sol par le paillage et l’élimination de la pellicule de glaçage ont induit une forte augmentation de la densité des espèces végétales par l’accroissement de l’infiltration des eaux de pluie et l’atténuation de l’évaporation [3, 4]. La pellicule de glaçage, de consistance plus dure et de moindre porosité, est considérée comme un frein à l’infiltration de l’eau et à la germination des graines. De nombreux travaux sur cette pellicule signalent que son origine est complexe. Floret et Pontanier [18] ont montré que le phénomène de glaçage peut se rencontrer sur des sols sableux. Skujins [25] fait ressortir le rôle des algues et des champignons dans la formation de ces pellicules dites croûtes biologiques.
L’appétibilité, telle que définie par de nombreux auteurs, est difficilement mesurable [14]. Elle est exprimée, dans notre cas, par l’indice de qualité spécifique [15]. La densité des espèces appétibles a augmenté par la pratique du paillage. Elle a surtout affecté les espèces à fort indice de qualité spécifique. Il se trouve que l’épandage des feuilles mortes d’alfa sur le sol constitue un moyen de régénération des pâturages steppiques. Cependant, le contrôle du parcours s’avère important dans la conservation des pâturages steppiques menacés de disparition. Dans un mode d’exploitation libre des parcours, le surpâturage conduit inévitablement à la dégradation des potentialités biologiques et écologiques. L’enrichissement en thérophytes concomitant avec une régression des espèces pérennes, augmente certes la valeur pastorale mais confère au parcours une plus grande variabilité interannuelle. La production se trouve ainsi concentrée durant la bonne saison [26, 27].
Afin d’estimer le coût effectif du paillage à l’hectare, nous avons pris en considération certains facteurs tels que : les charges sociales, la fourniture de petits outillages, la prise en charge du chantier, etc. Techniquement, dix ouvriers spécialisés dominent parfaitement un hectare sur l’impact considéré. Le coût de l’opération s’élève à 7 000 DA/ha/jour (soit environ 85 euros).
La mise en défends devrait accompagner l’opération « paillage », afin de permettre la restauration de la steppe dégradée.
Conclusion
La régénération et la reconstitution de la végétation steppique sont encore possibles par la pratique de l’épandage des feuilles mortes d’alfa sur le sol. L’étude spatio-temporelle de la végétation steppique a révélé que la densité des espèces végétales s’améliore en présence du paillage. Cette amélioration est due essentiellement à l’action du paillage sur les caractères physiques et hydriques du sol. Les eaux de pluies sont ainsi mieux emmagasinées par le sol steppique en augmentant l’infiltration et en atténuant l’évaporation. L’augmentation de la densité des espèces végétales a surtout favorisé les espèces appétibles de bonne qualité bromatologique. 
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