Auteur(s) : Zoheir Mehdadi, Zineddine Benaouda, Ali Latreche, Hachemi Benhassaini, Ibrahim Bouchaour ,
Département des sciences de l’environnement, Faculté des sciences, Université Djillali Liabès de Sidi Bel Abbès 22000 Algérie Laboratoire de botanique, Faculté de pharmacie, 7, boulevard Jeanne‐d’Arc, 21000 Dijon .
Résumé : Notre propos est de mettre en évidence certaines techniques d’intervention pouvant assister et favoriser la régénération naturelle de l’alfa ( Stipa tenacissima L.). Les essais de germination au laboratoire ont fait ressortir qu’un pré‐trempage à l’eau distillée pendant 24 heures à une température de 25 °C, ainsi que la scarification, qu’elle soit mécanique ou chimique (trempage dans l’acide sulfurique durant 10 min) améliore la capacité de germination de ces semences. Cette capacité de germination varie également en fonction de l’âge et de la provenance des caryopses. Dans les conditions naturelles d’une station expérimentale, située dans la willaya de Sidi Bel Abbès, la germination des caryopses d’alfa, en particulier les moins âgés et provenant de la station où se déroule l’expérimentation, est favorisée par l’action conjuguée de leur pré‐trempage avant semis, du paillage du sol après semis, de la technique de préparation du sol en potet, ainsi que du choix de la période de semis, les premières pluies d’automne étant favorables à la germination. Cependant, une longue période de sécheresse rend presque impossible le prolongement correct du développement des plantules issues de la germination. En revanche, la transplantation de jeunes plants d’alfa, élevés en pépinière durant 9 mois puis repiqués, au niveau de la station d’essai, ont donné des résultats prometteurs avec un taux de réussite de 100 %.
Mots-clés : Steppe algérienne \; Ressource végétale \; Agrophysiologie \; Algégie.
ARTICLE
Auteur(s) : Zoheir Mehdadi1, Zineddine Benaouda1, Ali Latreche1, Hachemi Benhassaini1, Ibrahim Bouchaour2
1 Département des sciences de l’environnement, Faculté des sciences, Université Djillali Liabès de Sidi Bel Abbès 22000 Algérie
2 Laboratoire de botanique, Faculté de pharmacie, 7, boulevard Jeanne-d’Arc, 21000 Dijon
L’alfa (Stipa tenacissima L.) est une graminée vivace qui occupe une vaste aire géographique, dans la partie occidentale du bassin méditerranéen (de l’Espagne à la Libye) [1]. Elle est considérée comme étant l’un des remparts face à l’avancée du désert, et ce, grâce à son système racinaire très développé qui assure la fixation et la protection du sol [2- 4]. L’alfa constitue également une ressource majeure pour l’industrie papetière [5].
En Algérie, les steppes à alfa occupaient environ 70 % de la surface des hautes plaines steppiques [6-8]. Actuellement, du fait de leur difficulté à se régénérer, ces steppes régressent rapidement et cette diminution rapide de la couverture végétale entraîne une accélération de la désertification [9-11].
Cette perte de la capacité de régénération naturelle des steppes à alfa est la conséquence de pratiques humaines irrationnelles (défrichement abusif, surpâturage, surcollecte de l’alfa) [9, 13-15], sous un bioclimat contraignant (période annuelle sèche allant jusqu’à 9 mois dans le Sud oranais ; pluviométrie faible et irrégulière [10], d’où des conditions souvent défavorables à la germination et à l’installation de l’ensemble des espèces de cette formation végétale [12]). Le succès d’éventuelles opérations de régénération assistée est également aléatoire du fait non seulement de la rareté des données sur la viabilité des semences, la nature des inhibitions et des dormances possibles, mais également du fait de la méconnaissances des lois biologiques, écologiques qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’évolution de l’écosystème steppique en général et de l’alfa en particulier.
Tous les chercheurs qui se sont intéressés à cette espèce et à son écologie ont mis l’accent sur la nécessaire revalorisation de l’écosystème alfatier, sujet à des impacts divers [10, 16-20].
Dans le but d’accroître le corpus des connaissances et d’ajouter des éléments aux solutions susceptibles de contribuer à la régénération assistée (semis et multiplication végétative), nous avons entrepris, au laboratoire (in vitro), une expérimentation visant à l’amélioration des performances germinatives des semences (caryopses) d’alfa de huit provenances et d’âges différents. Nous avons ainsi, pour cette première étape de notre étude, eu recours à des pré-traitements physiques et chimiques visant à éliminer les substances faisant obstacle à la germination. Dans une seconde étape, en conditions naturelles (in vivo), nous avons expérimenté un certain nombre de techniques susceptibles de favoriser la régénération de la steppe à alfa par semis ou par plantation en mottes, en utilisant des plants d’alfa préalablement élevés en pépinière.
Nos résultats nous conduiront à proposer des orientations pouvant contribuer à l’aménagement des steppes dégradées.
Matériel et méthode
Le travail porte, d’une part, sur des essais de germination des caryopses d’alfa de huit provenances différentes représentant différents âges, en laboratoire et dans les conditions naturelles et, d’autre part, sur des essais de plantation en mottes réalisés au niveau d’une zone steppique mise en défens dans la station expérimentale située au lieu dit Kerzouta (34° 30 N ; 1° 02 W ; alt. 1 100 m) dans la daïra de Ras-el-Ma (wilaya de Sidi Bel Abbès). Cette station, entre les monts de Tlemcen et les monts d’El Aricha (figure 1), est gérée par l’Institut national de recherche forestière (INRF).
Les caractéristiques des caryopses d’alfa (provenance, âge, etc.) constituant le matériel étudié sont rapportées au tableau I.
Tableau I. Caractéristiques des caryopses étudiés.
Provenance Date de récolte Âge des caryopses en date d’essai Étage bioclimatique [référence]
El Bayadh 06-1984 14 ans Aride [21]
Tiaret 06-1984 14 ans Semi-aride à hiver froid [22]
Djelfa 06-1985 13 ans Semi-aride [22]
Tébéssa 06-1986 12 ans Aride à hiver froid [22]
Ras-el-Ma (W. de Sidi Bel Abbès) 06-1996 2 ans Semi-aride à variante fraîche [22]
Sebdou (W. Tlemcen) 06-1995 3 ans Semi-aride à hiver froid [10]
El Aricha (W. Tlemcen) 06-1995 3 ans Aride à hiver froid [10]
El Biod (W. El-Bayadh) 06-1995 3 ans Saharien à hiver frais [22]
W : wilaya
Les caryopses préalablement désinfectés à l’hypochlorite de sodium à 1 %, rincés à l’eau distillée, sont disposés dans des boites de Pétri en verre de 9 cm de diamètre, garnies de deux couches de papier filtre humectées avec 4 cm3 d’eau distillée. Pour chaque provenance, chaque essai porte sur 300 caryopses répartis sur 6 répétitions de 50 semences chacune.
Les essais de germination sont réalisés dans une étuve maintenue à 20 °C (température optimale de germination de l’alfa) [5]. Des témoins sont comparés à d’autres lots de caryopses soumis à l’un ou l’autre des prétraitements suivants considérés comme susceptibles d’améliorer leur capacité germinative [23] :
– la scarification mécanique qui consiste à enlever les téguments des caryopses ;
– la scarification chimique : les caryopses sont trempés dans de l’acide sulfurique (concentration : 96 %) pur pour des durées de 5 min, 10 min, 15 min, 20 min, 25 min, 30 min, 35 min et 40 min ;
– le prétrempage à l’eau distillée (densité : 1,03) : les caryopses sont prétrempés, durant 24 heures dans de l’eau distillée aux températures de 20 °C, 25 °C, 30 °C, 40 °C ;
– le prétraitement au froid qui consiste à faire séjourner les caryopses placés sur du papier filtre humide pendant 10 jours, 20 jours, 1 mois, 2 mois et 3 mois, dans un réfrigérateur à une température constante basse de l’ordre de 4 °C ;
– le prétraitement à la chaleur, au cours duquel les caryopses disposés sur du papier filtre humide, sont placés dans une étuve à une température de 35 °C et 40 °C. Pour chaque température, la durée du prétraitement est de 10 jours, 20 jours, 1 mois, 2 mois et 3 mois.
Les résultats obtenus sont exprimés par la capacité de germination (CG) représentant le pourcentage maximal de caryopses ayant germé [23].
Afin de comparer les résultats relatifs à la capacité de germination des caryopses, pour les divers traitements, les divers âges et les différents traitements, nous avons utilisé le test de Fisher-Snedecor ou le test de l’analyse de la variance à un seul facteur contrôlé.
Les essais de régénération naturelle par semis ont été réalisés à chacune des saisons de 2000-2001, soit dans des billons ouverts à la charrue à socs, soit dans des potets profonds de 20 cm et de 10 cm de diamètre. Dans cette situation, nous avons aussi comparé les résultats obtenus avec ou sans paillage* du sol.
Sur les billons, nous avons pratiqué un semis direct. Pour le semis en potets, nous avons utilisé, pour chaque provenance, 25 potets contenant chacun 5 caryopses.
Durant cette étape, in situ, nous avons eu recours soit à des témoins (sans prétraitement), soit à des caryopses ayant subi les prétraitements par scarification mécanique ou chimique par trempage dans de l’acide sulfurique.
Les plants d’alfa utilisés lors des essais de régénération naturelle par plantation en mottes, ont été élevés en pépinière dans des sachets en polyéthylène à partir de caryopses collectés dans la station d’essai (Ras-el-Ma). La transplantation a lieu avec des plants de 9 mois. La plantation est effectuée dans des trous de 40 cm de diamètre et de profondeur. Les plants sont distants les uns des autres de 1 m dans tous les sens. Les essais de plantation se sont déroulés entre 1998 et 1999, à raison d’un essai par saison.
Le nombre de mottes plantées par saison est de 360, réparties sur 5 parcelles de 100 m2 chacune (5 m × 20 m).
* Le paillage consiste à enlever les feuilles mortes encombrant les touffes d’alfa et à les épandre à la surface du sol.
Résultats
Les résultats obtenus au laboratoire attestent d’une hétérogénéité, confirmée par le test de l’analyse de la variance (p < 0,05), de la capacité germinative au niveau des témoins (sans prétraitement). La capacité de germination (CG) est maximale (72 %) pour les caryopses les moins âgés (2 ans) et provenant de la région de Ras-el-Ma (figure 2).
La capacité de germination moyenne de tous les caryopses utilisés augmente quand ils sont préalablement trempés pendant 24 heures dans l’eau distillée à une température de 25 °C. Cette capacité est maximale (80 à 100 %) pour les caryopses scarifiés mécaniquement ou chimiquement par un trempage de 10 mn dans de l’acide sulfurique pur (96 %) (figure 2).
Les prétraitements au froid et à la chaleur entraînent une réduction de la capacité germinative.
Les résultats des essais de régénération par semis et leur traitement par le modèle de l’analyse de la variance montrent que la saison du semis, la technique de préparation du sol, la provenance des caryopses ainsi que la nature du prétraitement agissent sur la germination de l’alfa (p < 0,05) dans la mesure où :
– seul l’automne est favorable à la germination in situ, les caryopses d’alfa ne germant pas durant les autres saisons ;
– la germination est très faible, voire absente, pour les semis en billons (avec ou sans paillage), et ce, quels que soient la nature du prétraitement, l’âge et la provenance des caryopses utilisés ;
– comparativement aux semis effectués dans les billons, ceux réalisés dans les potets ont donné des résultats très encourageants (environ 70 % de germination), notamment avec les caryopses les moins âgés (2 ans), de provenance locale de Ras-el-Ma, ayant subi un prétrempage de 24 heures dans de l’eau distillée à une température de 25 °C (figure 3).
La quasi-totalité des plantules ont dépéri au cours de la longue période sèche qui a succédé à leur émergence.
Les essais de régénération par plantation de plants élevés en pépinière donnent d’excellents résultats avec un taux de réussite de 100 %.
Discussion
L’expérimentation au laboratoire a mis en évidence, ce qui est confirmé par le test de l’analyse de la variance à un seul facteur contrôlé, une variation de la capacité de germination entre les provenances. Cela laisse supposer l’existence très probable d’écotypes chez cette graminée. Le scarifiage mécanique ou chimique (trempage dans l’acide sulfurique pur durant 10 à 15 min) donne des résultats très encourageants avec une capacité de germination de l’ordre de 100 %. Ces prétraitements éliminent ou détruisent les téguments, réputés durs et coriaces, du caryopse de l’alfa, permettant ainsi leur germination [23, 24]. Ces résultats confirment donc l’existence d’une inhibition tégumentaire.
Les résultats relatifs aux essais de germination d’alfa prétrempés dans l’eau distillée à différentes températures montrent que la meilleure capacité de germination (92 %) est obtenue avec une température de prétrempage de 25 °C pour les caryopses les moins âgés et provenant de Ras-El-Ma. Selon Mazliak [23] et Heller [24], le prétrempage permet la dissolution de certaines substances inhibitrices de la germination comme les phénols existant au niveau des enveloppes des téguments des semences de certaines espèces.
Les prétraitements aux températures élevées réduisent la capacité germinative. Plus ces températures sont appliquées longtemps et plus cette chute de la capacité germinative s’accroît. Cela s’explique par le fait que froid et températures élevées entraînent, chez les caryopses préalablement aptes à germer, une dormance induite [23, 24]. Dans ce contexte, les travaux de Neffati et al. [12] se rapportant à l’étude de la viabilité des semences de quelques espèces pastorales steppiques tunisiennes montrent que l’effet de ce prétraitement peut être positif ou négatif selon les essences.
Dans les conditions naturelles, il s’avère que les semis de caryopses scarifiés mécaniquement et chimiquement, effectués dans des billons ou dans des potets, sont sanctionnés par un échec total, et ce, quels que soient la saison d’essai, l’âge et la provenance des caryopses. Cet échec s’explique par le fait que ces caryopses n’ont pas trouvé in situ les conditions favorables à leur germination. Les sols steppiques, caractérisés par une faible humidité et des températures élevées, contribuent à la déshydratation des caryopses empêchant donc le développement de leurs coléorhizes et coléoptiles [9, 18-20, 25].
Les résultats les plus encourageants ont été obtenus lors du semis de caryopses prétrempés sur sol préparé en potets et paillé. Cela confirme d’une part les effets positifs du paillage par augmentation des réserves hydriques du sol et la création d’un microclimat favorable à la germination et à la croissance des plantes entre les touffes [18, 20, 26]. Sont d’autre part confirmés les effets positifs du prétrempage dont l’action permet la dissolution de certaines substances inhibitrices du processus de germination [23, 24].
L’absence de paillage entraîne la formation d’une pellicule de battance, considérée comme un frein à l’infiltration de l’eau et à la germination des caryopses [19].
Les variations de la capacité de germination des caryopses utilisés, confirmées par l’analyse de la variance, répondent aux constats suivants :
– la capacité germinative décroît avec l’âge des caryopses ;
– il existe chez l’alfa plusieurs écotypes qui présentent des différences dans les performances de germination des caryopses. Nos données confirment nettement que les meilleurs résultats ont été obtenus avec des caryopses provenant de la région de Ras-El-Ma où nos essais ont été réalisés ; ceux des autres provenances ne présentent que de faibles taux de germination ;
– l’eau et la technique de préparation du sol constituent des facteurs très importants de réussite, les meilleurs taux de germination étant obtenus par les semis effectués, dès les premières pluies d’automne, dans des potets. Ces derniers permettent, contrairement aux billons, un stockage d’eau important favorisant ainsi la germination. Il est à noter également que les caryopses mis dans les potets sont mieux protégés des méfaits des averses et des vents.
L’élevage de plants en pépinière constitue une pratique intéressante qui mérite d’être généralisée dans le cadre de l’aménagement et de la restauration des nappes à alfa dégradée. La transplantation doit être effectuée dès les premières pluies d’automne, les plants bénéficiant alors du stock d’eau accumulé durant cette saison et durant l’hiver.
Conclusion
Les résultats obtenus dans le cadre de notre travail font ressortir que la germination des caryopses au laboratoire peut être améliorée en utilisant certains prétraitements comme le prétrempage pendant 24 heures dans de l’eau distillée à une température de 25 °C, la scarification mécanique et chimique par trempage dans l’acide sulfurique pur pour une durée de 10 à 15 min.
La capacité de germination des caryopses d’alfa fluctue en fonction de leur origine géographique, ce qui laisse supposer l’existence d’écotypes, et en fonction de leur âge.
Les essais effectués dans les conditions naturelles de la station de Ras-el-Ma révèlent que la capacité germinative des caryopses d’alfa est favorisée par la synergie de certains paramètres, tels que :
– le prétrempage des caryopses avant le semis ;
– le paillage du sol après la réalisation du semis ;
– la technique de préparation du sol en potets ;
– le stockage d’eau dans le sol, les semis effectués dès les premières pluies d’automne procurant les meilleurs résultats ;
– le jeune âge des caryopses ;
– des conditions de milieu (microclimat, sol, etc.) similaires à celles qui prévalent dans le lieu de collecte des caryopses.
Toutefois, les conditions climatiques défavorables de la saison estivale rendent presque impossible la survie des jeunes plantules issues de la germination des caryopses. Seuls, les plants élevés en pépinière et transférés dans les conditions naturelles s’adaptent à la longue période de sécheresse de la station d’essai.
Dans nos prochaines études, nous tenterons de définir, par sélection rigoureuse sur des bases cytogénétiques, les écotypes les plus aptes à affronter les conditions xériques des steppes alfatières. Parallèlement, la régénération par semis de cette graminée mérite d’être mieux étudiée, même si ce type de reproduction est réputé rare ou exceptionnel dans les conditions naturelles [12, 17, 19].
Enfin, nous devons également accroître les connaissances concernant la dynamique de la croissance et de la régénération de l’alfa dans son biotope naturel. La maîtrise de tous les éléments de ce biotope permet la régénération de ces steppes soumises à des délits divers. Toutefois, il importe également de considérer tous ces efforts comme vains en l’absence de la prise en compte des autres obstacles (juridiques, humains, etc.) qui empêchent actuellement la bonne gestion et la régénération naturelle des steppes à alfa.
Références
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Département des sciences de l’environnement, Faculté des sciences, Université Djillali Liabès de Sidi Bel Abbès 22000 Algérie
Résumé : Notre propos est de mettre en évidence certaines techniques d’intervention pouvant assister et favoriser la régénération naturelle de l’alfa ( Stipa tenacissima L.). Les essais de germination au laboratoire ont fait ressortir qu’un pré‐trempage à l’eau distillée pendant 24 heures à une température de 25 °C, ainsi que la scarification, qu’elle soit mécanique ou chimique (trempage dans l’acide sulfurique durant 10 min) améliore la capacité de germination de ces semences. Cette capacité de germination varie également en fonction de l’âge et de la provenance des caryopses. Dans les conditions naturelles d’une station expérimentale, située dans la willaya de Sidi Bel Abbès, la germination des caryopses d’alfa, en particulier les moins âgés et provenant de la station où se déroule l’expérimentation, est favorisée par l’action conjuguée de leur pré‐trempage avant semis, du paillage du sol après semis, de la technique de préparation du sol en potet, ainsi que du choix de la période de semis, les premières pluies d’automne étant favorables à la germination. Cependant, une longue période de sécheresse rend presque impossible le prolongement correct du développement des plantules issues de la germination. En revanche, la transplantation de jeunes plants d’alfa, élevés en pépinière durant 9 mois puis repiqués, au niveau de la station d’essai, ont donné des résultats prometteurs avec un taux de réussite de 100 %.
Mots-clés : Steppe algérienne \; Ressource végétale \; Agrophysiologie \; Algégie.
ARTICLE
Auteur(s) : Zoheir Mehdadi1, Zineddine Benaouda1, Ali Latreche1, Hachemi Benhassaini1, Ibrahim Bouchaour2
1 Département des sciences de l’environnement, Faculté des sciences, Université Djillali Liabès de Sidi Bel Abbès 22000 Algérie
2 Laboratoire de botanique, Faculté de pharmacie, 7, boulevard Jeanne-d’Arc, 21000 Dijon
L’alfa (Stipa tenacissima L.) est une graminée vivace qui occupe une vaste aire géographique, dans la partie occidentale du bassin méditerranéen (de l’Espagne à la Libye) [1]. Elle est considérée comme étant l’un des remparts face à l’avancée du désert, et ce, grâce à son système racinaire très développé qui assure la fixation et la protection du sol [2- 4]. L’alfa constitue également une ressource majeure pour l’industrie papetière [5].
En Algérie, les steppes à alfa occupaient environ 70 % de la surface des hautes plaines steppiques [6-8]. Actuellement, du fait de leur difficulté à se régénérer, ces steppes régressent rapidement et cette diminution rapide de la couverture végétale entraîne une accélération de la désertification [9-11].
Cette perte de la capacité de régénération naturelle des steppes à alfa est la conséquence de pratiques humaines irrationnelles (défrichement abusif, surpâturage, surcollecte de l’alfa) [9, 13-15], sous un bioclimat contraignant (période annuelle sèche allant jusqu’à 9 mois dans le Sud oranais ; pluviométrie faible et irrégulière [10], d’où des conditions souvent défavorables à la germination et à l’installation de l’ensemble des espèces de cette formation végétale [12]). Le succès d’éventuelles opérations de régénération assistée est également aléatoire du fait non seulement de la rareté des données sur la viabilité des semences, la nature des inhibitions et des dormances possibles, mais également du fait de la méconnaissances des lois biologiques, écologiques qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’évolution de l’écosystème steppique en général et de l’alfa en particulier.
Tous les chercheurs qui se sont intéressés à cette espèce et à son écologie ont mis l’accent sur la nécessaire revalorisation de l’écosystème alfatier, sujet à des impacts divers [10, 16-20].
Dans le but d’accroître le corpus des connaissances et d’ajouter des éléments aux solutions susceptibles de contribuer à la régénération assistée (semis et multiplication végétative), nous avons entrepris, au laboratoire (in vitro), une expérimentation visant à l’amélioration des performances germinatives des semences (caryopses) d’alfa de huit provenances et d’âges différents. Nous avons ainsi, pour cette première étape de notre étude, eu recours à des pré-traitements physiques et chimiques visant à éliminer les substances faisant obstacle à la germination. Dans une seconde étape, en conditions naturelles (in vivo), nous avons expérimenté un certain nombre de techniques susceptibles de favoriser la régénération de la steppe à alfa par semis ou par plantation en mottes, en utilisant des plants d’alfa préalablement élevés en pépinière.
Nos résultats nous conduiront à proposer des orientations pouvant contribuer à l’aménagement des steppes dégradées.
Matériel et méthode
Le travail porte, d’une part, sur des essais de germination des caryopses d’alfa de huit provenances différentes représentant différents âges, en laboratoire et dans les conditions naturelles et, d’autre part, sur des essais de plantation en mottes réalisés au niveau d’une zone steppique mise en défens dans la station expérimentale située au lieu dit Kerzouta (34° 30 N ; 1° 02 W ; alt. 1 100 m) dans la daïra de Ras-el-Ma (wilaya de Sidi Bel Abbès). Cette station, entre les monts de Tlemcen et les monts d’El Aricha (figure 1), est gérée par l’Institut national de recherche forestière (INRF).
Les caractéristiques des caryopses d’alfa (provenance, âge, etc.) constituant le matériel étudié sont rapportées au tableau I.
Tableau I. Caractéristiques des caryopses étudiés.
Provenance Date de récolte Âge des caryopses en date d’essai Étage bioclimatique [référence]
El Bayadh 06-1984 14 ans Aride [21]
Tiaret 06-1984 14 ans Semi-aride à hiver froid [22]
Djelfa 06-1985 13 ans Semi-aride [22]
Tébéssa 06-1986 12 ans Aride à hiver froid [22]
Ras-el-Ma (W. de Sidi Bel Abbès) 06-1996 2 ans Semi-aride à variante fraîche [22]
Sebdou (W. Tlemcen) 06-1995 3 ans Semi-aride à hiver froid [10]
El Aricha (W. Tlemcen) 06-1995 3 ans Aride à hiver froid [10]
El Biod (W. El-Bayadh) 06-1995 3 ans Saharien à hiver frais [22]
W : wilaya
Les caryopses préalablement désinfectés à l’hypochlorite de sodium à 1 %, rincés à l’eau distillée, sont disposés dans des boites de Pétri en verre de 9 cm de diamètre, garnies de deux couches de papier filtre humectées avec 4 cm3 d’eau distillée. Pour chaque provenance, chaque essai porte sur 300 caryopses répartis sur 6 répétitions de 50 semences chacune.
Les essais de germination sont réalisés dans une étuve maintenue à 20 °C (température optimale de germination de l’alfa) [5]. Des témoins sont comparés à d’autres lots de caryopses soumis à l’un ou l’autre des prétraitements suivants considérés comme susceptibles d’améliorer leur capacité germinative [23] :
– la scarification mécanique qui consiste à enlever les téguments des caryopses ;
– la scarification chimique : les caryopses sont trempés dans de l’acide sulfurique (concentration : 96 %) pur pour des durées de 5 min, 10 min, 15 min, 20 min, 25 min, 30 min, 35 min et 40 min ;
– le prétrempage à l’eau distillée (densité : 1,03) : les caryopses sont prétrempés, durant 24 heures dans de l’eau distillée aux températures de 20 °C, 25 °C, 30 °C, 40 °C ;
– le prétraitement au froid qui consiste à faire séjourner les caryopses placés sur du papier filtre humide pendant 10 jours, 20 jours, 1 mois, 2 mois et 3 mois, dans un réfrigérateur à une température constante basse de l’ordre de 4 °C ;
– le prétraitement à la chaleur, au cours duquel les caryopses disposés sur du papier filtre humide, sont placés dans une étuve à une température de 35 °C et 40 °C. Pour chaque température, la durée du prétraitement est de 10 jours, 20 jours, 1 mois, 2 mois et 3 mois.
Les résultats obtenus sont exprimés par la capacité de germination (CG) représentant le pourcentage maximal de caryopses ayant germé [23].
Afin de comparer les résultats relatifs à la capacité de germination des caryopses, pour les divers traitements, les divers âges et les différents traitements, nous avons utilisé le test de Fisher-Snedecor ou le test de l’analyse de la variance à un seul facteur contrôlé.
Les essais de régénération naturelle par semis ont été réalisés à chacune des saisons de 2000-2001, soit dans des billons ouverts à la charrue à socs, soit dans des potets profonds de 20 cm et de 10 cm de diamètre. Dans cette situation, nous avons aussi comparé les résultats obtenus avec ou sans paillage* du sol.
Sur les billons, nous avons pratiqué un semis direct. Pour le semis en potets, nous avons utilisé, pour chaque provenance, 25 potets contenant chacun 5 caryopses.
Durant cette étape, in situ, nous avons eu recours soit à des témoins (sans prétraitement), soit à des caryopses ayant subi les prétraitements par scarification mécanique ou chimique par trempage dans de l’acide sulfurique.
Les plants d’alfa utilisés lors des essais de régénération naturelle par plantation en mottes, ont été élevés en pépinière dans des sachets en polyéthylène à partir de caryopses collectés dans la station d’essai (Ras-el-Ma). La transplantation a lieu avec des plants de 9 mois. La plantation est effectuée dans des trous de 40 cm de diamètre et de profondeur. Les plants sont distants les uns des autres de 1 m dans tous les sens. Les essais de plantation se sont déroulés entre 1998 et 1999, à raison d’un essai par saison.
Le nombre de mottes plantées par saison est de 360, réparties sur 5 parcelles de 100 m2 chacune (5 m × 20 m).
* Le paillage consiste à enlever les feuilles mortes encombrant les touffes d’alfa et à les épandre à la surface du sol.
Résultats
Les résultats obtenus au laboratoire attestent d’une hétérogénéité, confirmée par le test de l’analyse de la variance (p < 0,05), de la capacité germinative au niveau des témoins (sans prétraitement). La capacité de germination (CG) est maximale (72 %) pour les caryopses les moins âgés (2 ans) et provenant de la région de Ras-el-Ma (figure 2).
La capacité de germination moyenne de tous les caryopses utilisés augmente quand ils sont préalablement trempés pendant 24 heures dans l’eau distillée à une température de 25 °C. Cette capacité est maximale (80 à 100 %) pour les caryopses scarifiés mécaniquement ou chimiquement par un trempage de 10 mn dans de l’acide sulfurique pur (96 %) (figure 2).
Les prétraitements au froid et à la chaleur entraînent une réduction de la capacité germinative.
Les résultats des essais de régénération par semis et leur traitement par le modèle de l’analyse de la variance montrent que la saison du semis, la technique de préparation du sol, la provenance des caryopses ainsi que la nature du prétraitement agissent sur la germination de l’alfa (p < 0,05) dans la mesure où :
– seul l’automne est favorable à la germination in situ, les caryopses d’alfa ne germant pas durant les autres saisons ;
– la germination est très faible, voire absente, pour les semis en billons (avec ou sans paillage), et ce, quels que soient la nature du prétraitement, l’âge et la provenance des caryopses utilisés ;
– comparativement aux semis effectués dans les billons, ceux réalisés dans les potets ont donné des résultats très encourageants (environ 70 % de germination), notamment avec les caryopses les moins âgés (2 ans), de provenance locale de Ras-el-Ma, ayant subi un prétrempage de 24 heures dans de l’eau distillée à une température de 25 °C (figure 3).
La quasi-totalité des plantules ont dépéri au cours de la longue période sèche qui a succédé à leur émergence.
Les essais de régénération par plantation de plants élevés en pépinière donnent d’excellents résultats avec un taux de réussite de 100 %.
Discussion
L’expérimentation au laboratoire a mis en évidence, ce qui est confirmé par le test de l’analyse de la variance à un seul facteur contrôlé, une variation de la capacité de germination entre les provenances. Cela laisse supposer l’existence très probable d’écotypes chez cette graminée. Le scarifiage mécanique ou chimique (trempage dans l’acide sulfurique pur durant 10 à 15 min) donne des résultats très encourageants avec une capacité de germination de l’ordre de 100 %. Ces prétraitements éliminent ou détruisent les téguments, réputés durs et coriaces, du caryopse de l’alfa, permettant ainsi leur germination [23, 24]. Ces résultats confirment donc l’existence d’une inhibition tégumentaire.
Les résultats relatifs aux essais de germination d’alfa prétrempés dans l’eau distillée à différentes températures montrent que la meilleure capacité de germination (92 %) est obtenue avec une température de prétrempage de 25 °C pour les caryopses les moins âgés et provenant de Ras-El-Ma. Selon Mazliak [23] et Heller [24], le prétrempage permet la dissolution de certaines substances inhibitrices de la germination comme les phénols existant au niveau des enveloppes des téguments des semences de certaines espèces.
Les prétraitements aux températures élevées réduisent la capacité germinative. Plus ces températures sont appliquées longtemps et plus cette chute de la capacité germinative s’accroît. Cela s’explique par le fait que froid et températures élevées entraînent, chez les caryopses préalablement aptes à germer, une dormance induite [23, 24]. Dans ce contexte, les travaux de Neffati et al. [12] se rapportant à l’étude de la viabilité des semences de quelques espèces pastorales steppiques tunisiennes montrent que l’effet de ce prétraitement peut être positif ou négatif selon les essences.
Dans les conditions naturelles, il s’avère que les semis de caryopses scarifiés mécaniquement et chimiquement, effectués dans des billons ou dans des potets, sont sanctionnés par un échec total, et ce, quels que soient la saison d’essai, l’âge et la provenance des caryopses. Cet échec s’explique par le fait que ces caryopses n’ont pas trouvé in situ les conditions favorables à leur germination. Les sols steppiques, caractérisés par une faible humidité et des températures élevées, contribuent à la déshydratation des caryopses empêchant donc le développement de leurs coléorhizes et coléoptiles [9, 18-20, 25].
Les résultats les plus encourageants ont été obtenus lors du semis de caryopses prétrempés sur sol préparé en potets et paillé. Cela confirme d’une part les effets positifs du paillage par augmentation des réserves hydriques du sol et la création d’un microclimat favorable à la germination et à la croissance des plantes entre les touffes [18, 20, 26]. Sont d’autre part confirmés les effets positifs du prétrempage dont l’action permet la dissolution de certaines substances inhibitrices du processus de germination [23, 24].
L’absence de paillage entraîne la formation d’une pellicule de battance, considérée comme un frein à l’infiltration de l’eau et à la germination des caryopses [19].
Les variations de la capacité de germination des caryopses utilisés, confirmées par l’analyse de la variance, répondent aux constats suivants :
– la capacité germinative décroît avec l’âge des caryopses ;
– il existe chez l’alfa plusieurs écotypes qui présentent des différences dans les performances de germination des caryopses. Nos données confirment nettement que les meilleurs résultats ont été obtenus avec des caryopses provenant de la région de Ras-El-Ma où nos essais ont été réalisés ; ceux des autres provenances ne présentent que de faibles taux de germination ;
– l’eau et la technique de préparation du sol constituent des facteurs très importants de réussite, les meilleurs taux de germination étant obtenus par les semis effectués, dès les premières pluies d’automne, dans des potets. Ces derniers permettent, contrairement aux billons, un stockage d’eau important favorisant ainsi la germination. Il est à noter également que les caryopses mis dans les potets sont mieux protégés des méfaits des averses et des vents.
L’élevage de plants en pépinière constitue une pratique intéressante qui mérite d’être généralisée dans le cadre de l’aménagement et de la restauration des nappes à alfa dégradée. La transplantation doit être effectuée dès les premières pluies d’automne, les plants bénéficiant alors du stock d’eau accumulé durant cette saison et durant l’hiver.
Conclusion
Les résultats obtenus dans le cadre de notre travail font ressortir que la germination des caryopses au laboratoire peut être améliorée en utilisant certains prétraitements comme le prétrempage pendant 24 heures dans de l’eau distillée à une température de 25 °C, la scarification mécanique et chimique par trempage dans l’acide sulfurique pur pour une durée de 10 à 15 min.
La capacité de germination des caryopses d’alfa fluctue en fonction de leur origine géographique, ce qui laisse supposer l’existence d’écotypes, et en fonction de leur âge.
Les essais effectués dans les conditions naturelles de la station de Ras-el-Ma révèlent que la capacité germinative des caryopses d’alfa est favorisée par la synergie de certains paramètres, tels que :
– le prétrempage des caryopses avant le semis ;
– le paillage du sol après la réalisation du semis ;
– la technique de préparation du sol en potets ;
– le stockage d’eau dans le sol, les semis effectués dès les premières pluies d’automne procurant les meilleurs résultats ;
– le jeune âge des caryopses ;
– des conditions de milieu (microclimat, sol, etc.) similaires à celles qui prévalent dans le lieu de collecte des caryopses.
Toutefois, les conditions climatiques défavorables de la saison estivale rendent presque impossible la survie des jeunes plantules issues de la germination des caryopses. Seuls, les plants élevés en pépinière et transférés dans les conditions naturelles s’adaptent à la longue période de sécheresse de la station d’essai.
Dans nos prochaines études, nous tenterons de définir, par sélection rigoureuse sur des bases cytogénétiques, les écotypes les plus aptes à affronter les conditions xériques des steppes alfatières. Parallèlement, la régénération par semis de cette graminée mérite d’être mieux étudiée, même si ce type de reproduction est réputé rare ou exceptionnel dans les conditions naturelles [12, 17, 19].
Enfin, nous devons également accroître les connaissances concernant la dynamique de la croissance et de la régénération de l’alfa dans son biotope naturel. La maîtrise de tous les éléments de ce biotope permet la régénération de ces steppes soumises à des délits divers. Toutefois, il importe également de considérer tous ces efforts comme vains en l’absence de la prise en compte des autres obstacles (juridiques, humains, etc.) qui empêchent actuellement la bonne gestion et la régénération naturelle des steppes à alfa.
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